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raeli fut que ce bill ne diminuait point le chiffre assigné à cette franchise. L’amendement soutenu et voté par les chefs du parti libéral, devenus les membres du présent ministère, amendement contre lequel échoua le projette M. Disraeli, disait qu’une réforme électorale qui ne déterminerait point une extension de suffrage ne pourrait satisfaire le pays, et par cette extension tout le monde entendait un abaissement de la franchise des bourgs. Le ministère de lord Derby, vaincu sur ce point dans la chambre des communes, crut devoir en appeler au pays. Le parlement fut dissous. Les élections donnèrent la majorité à la coalition libérale, et le ministère de lord Palmerston remplaça celui de lord Derby. Le nouveau cabinet présenta un bill de réforme où, entre autres dispositions, figurait un abaissement de la franchise à 6 livres sterling ; mais on était en 1860, les préoccupations du pays ne s’arrêtaient plus aux questions de réforme. Les incertitudes de l’état de l’Europe après la guerre d’Italie faisaient diversion aux affaires intérieures, et les inquiétudes de la politique étrangère reportèrent l’Angleterre vers les idées conservatrices. Le projet de réforme du ministère fut enterré, et le ministère, se conformant aux nouvelles tendances du pays, devenu plus circonspect encore au spectacle de la guerre civile des États-Unis, se garda bien de le ressusciter. C’est alors que l’honnête et paisible M. Baines a substitué sa propre initiative à l’initiative ministérielle, et qu’il s’est mis à proposer, pour l’honneur des libéraux avancés, non plus une mesure d’ensemble, mais une réforme partielle, une réforme à un seul coup (one-barelled), comme disent en riant les conservateurs, réforme qui ne porterait que sur la franchise liée aux loyers urbains, ferait descendre cette franchise de 10 liv. à 6, et introduirait ainsi dans le corps électoral, des bourgs une portion considérable des classes ouvrières.

La proposition de M. Baines a suscité cette année une opposition vigoureuse et inattendue au sein même du parti libéral. A la simple lecture de ce débat, on est forcé de convenir que l’avantage du talent a été tout entier du côté des adversaires de la réforme. Lord Elcho a attaqué le premier le bill de M. Baines d’une main robuste et sûre : lord Elcho a joué un grand rôle dans le mouvement des volontaires ; il a pris dans ce nouveau sport national une allure martiale, et on eût dit l’autre soir qu’il chargeait les réformistes radicaux à la tête de quelques bataillons de riflemen. Puis M. Lowe a prononcé dans le même sens que lord Elcho un des plus remarquables discours que la chambre des communes ait entendus depuis bien des années. M. Lowe est un de ces hommes de talent qui éprouvent tant de difficulté au milieu du parti whig à prendre le rang auquel ils ont droit. Il y a en lui non-seulement un puissant orateur, mais une tête politique d’un ordre élevé. Il n’a occupé dans les derniers ministères whigs que des emplois secondaires, et encore l’an dernier, mal soutenu par le ministère, il s’est démis avec une honorable susceptibilité, après un vote de surprise, des fonctions de vice-président du bureau de l’instruction publique. Enfin un orateur d’une rare éloquence, M. Horsman, dans une ha-