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combrement, une obstruction qui s’oppose à la prompte et bonne expédition des affaires, un vrai gaspillage de travail et de temps qui explique en partie la stérilité trop visible du corps législatif. Là néanmoins n’est pas seulement la cause du mal ; quand nous voyons le corps législatif manquer d’une certaine application aux affaires, d’une certaine suite et sûreté dans ses travaux, quand nous le voyons indécis et comme décousu dans son action, nous sommes bien forcés de demander la cause de ce défaut à sa composition même. Ce qui manque au corps législatif, c’est la présence d’un certain nombre d’hommes ayant traversé ou occupant des fonctions élevées, qui réunissent et mêlent ensemble le point d’honneur administratif et le point d’honneur législatif, capables d’éclairer et de conduire les députés dans l’élaboration des lois, et intéressés par l’amour-propre de corps, par l’influence qui appartient aux aptitudes éprouvées, par l’honorable émulation qui est partout la féconde inspiratrice du travail, à ne laisser jamais tomber la chambre représentative au-dessous de sa mission. Certes il y avait beaucoup trop de fonctionnaires dans nos chambres d’avant 1848 ; on est tombé peut-être dans un autre excès, et l’on rencontre des inconvéniens d’une autre sorte en fermant absolument aux fonctionnaires l’accès du corps législatif. Il n’est pas contestable non plus que, si le pouvoir exécutif s’associait au pouvoir représentatif de telle sorte que les ministres parussent dans les chambres ou en fissent partie, on aurait une bien plus sûre garantie de l’active, rapide et bonne élaboration des lois. Un ministre présent dans la chambre ou membre de la chambre ne laisserait pas ses projets de loi se perdre dans les catacombes des commissions ; il serait là pour gourmander la nonchalance de ses collègues, pour dissiper leurs doutes, pour les éclairer et les exciter. Avec la présence des ministres, l’émulation rentrerait au sein de la chambre, et nous cesserions bientôt d’avoir le spectacle des regrettables langueurs auxquelles nous assistons. Tels sont les conseils que nous donne l’expérience qui se fait sous nos yeux ; ce n’est point une théorie abstraite et subversive qui demande que l’on se rapproche de l’ancien système constitutionnel longtemps pratiqué en France, c’est l’intérêt de jour en jour plus manifeste de la bonne expédition des affaires.

L’inaction et l’atonie du corps législatif apparaissent davantage quand on voit le gouvernement d’une part proroger la session et de l’autre présenter de nouveaux projets de loi. La session est prorogée d’un mois ; elle devait être close le 15 mai, elle est continuée jusqu’au 16 juin. Nous avons donc encore un mois de session ; dans ce mois-là doivent être discutés et votés les lois étudiées par les commissions et le budget. A vrai dire, le travail législatif, qui a été à peu près nul jusqu’à présent, se trouve resserré dans l’espace de trente jours. Les discussions, ainsi bornées par le temps, ne sont-elles point condamnées, à une précipitation aussi regrettable que l’a été l’oisiveté des trois derniers mois ? Mais ce n’est pas tout ; à ce corps législatif déjà si arriéré dans ses travaux, on vient donner à la