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aux colons algériens la protection constante et le concours de la métropole. Peut-être suffira-t-il de l’effet moral de la présence de l’empereur et de ses assurances énergiques pour calmer la crise récente que l’Algérie vient de traverser ; mais il est permis d’espérer que le voyage impérial aura des conséquences plus décisives. Il est impossible que l’étude personnelle et locale que l’empereur fait en ce moment de l’Algérie ne produise point un ensemble de mesures politiques et économiques, un système enfin qui ouvrira une voie de progrès nouveaux à notre colonie africaine.

Les actes qui peuvent suivre l’excursion de l’empereur en Algérie seront-ils prochains et réclameront-ils bientôt l’intervention législative ? Cela paraît peu probable, si l’on considère la lenteur du travail de notre chambre des députés et la façon dont elle laisse arriérer les plus utiles et les plus urgens projets de loi. La session actuelle semble condamnée à la stérilité ; elle ne réalisera pas le programme tracé par le discours d’ouverture de l’empereur. On a déjà pris son parti de ne point voir passer cette année la loi sur la décentralisation, la loi sur le régime des sociétés commerciales, la loi sur l’abolition de la contrainte par corps. Pourquoi cette sorte de fatigue qui alanguit le corps législatif ? Est-ce un accident, ou plutôt l’indolence dont nous nous plaignons ne serait-elle point un mal chronique déterminé par des causes générales et permanentes ? La question vaudrait la peine d’être attentivement considérée. Il y a sans contredit, ou dans la constitution du corps législatif, ou dans ses rapports avec le gouvernement, des lacunes et des imperfections qui se révèlent maintenant à l’expérience. A notre sens, les lenteurs du travail législatif et l’hésitation indolente de la chambre des députés dans les lois d’affaires tiennent principalement à trois causes : à l’usage exagéré et souvent déplacé des commissions, à l’absence dans la chambre d’une certaine catégorie de députés qui aient fait leur éducation politique et administrative dans d’importantes fonctions, et surtout au défaut de cohésion qui existe entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, à l’éloignement où vit de la chambre le pouvoir ministériel.

Il est certain que l’on abuse des commissions dans notre système de travail parlementaire. Le temps que prend une commission pour examiner un projet de loi, le débattre à huis clos et le commenter par un rapport, est le plus souvent du temps perdu. Les commissions sont le sépulcre où vont fréquemment s’enterrer d’utiles projets de loi. On ne devrait tout au plus soumettre à l’examen spécial des commissions que les lois qui fourniraient matière à des enquêtes et à des recherches qui dépasseraient la portée de l’administration ordinaire ; mais quand un projet qui ne doit donner lieu à aucun supplément d’enquête a été étudié une première fois par le gouvernement, qui en a l’initiative, une seconde fois par le conseil d’état, qui l’a discuté contradictoirement avec le ministre et les fonctionnaires spéciaux, on ne comprend pas que ce projet ait besoin de traverser un troisième degré d’instruction, le plus long et le plus laborieux peut-être, avant d’arriver à la discussion publique devant la chambre. Il y a là une sorte d’en-