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CROQUIS SATIRIQUES



A LA MUSE ANTIQUE[1]



Autrefois indigné de voir régner le mal,
Avec l’ïambe ardent j’évoquai Juvénal,
Et, le poignet armé d’une plume sévère,
Aux noirs excès du temps je déclarai la guerre.
Aujourd’hui, moins rigide et peut-être moins bon,
Je satirise encor, mais sur un autre ton.
Quittant de Némésis la sublime folie,
Je prends modestement le masque de Thalie,
Et soudain me voilà réglant mes faibles pas
Sur ceux du tendre ami du noble Mæcenas,
Et cherchant de mon mieux à retrouver la trace
Que dans les champs latins laissa jadis Horace.
Imiter de nos jours même Horace, à quoi bon ?
De votre propre vin versez-nous, — dira-t-on ?
Imiter ! pourquoi pas ? Que l’on est difficile
À cette heure ! Autrefois l’on était plus habile
Avec moins de fierté. Nos aïeux sans remords
Savaient mettre à profit les richesses des morts,
Et ces naïfs amans de l’antique science
S’estimaient très heureux, si leur intelligence
Réussissait à faire entrer dans leurs écrits,
Vivantes, les beautés de quelques vieux esprits.
Autre temps, autre soin. De nos auteurs la veine
En ce siècle fécond est si fertile et vaine,

  1. H. Auguste Barbier revient à la satire, mais c’est Horace qu’il prend cette fois pour guide, et non Juvénal. Les pièces qu’on va lire sont détachées d’un volume qui paraîtra prochainement, et qui montrera sous un nouvel aspect l’auteur des Iambes et du Pianto.