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Lyon, comme Paris, est administrée par un conseil municipal nommé par l’empereur, sur la présentation du préfet chargé de toutes les fonctions qui incombent aux maires dans les autres communes de l’empire. Sans revenir sur la question déjà débattue de la représentation parisienne, si l’on recherche pour Lyon les causes de ce régime exceptionnel, on ne peut en trouver qu’une seule, la nécessité de maintenir la tranquillité des rues. Les événemens de 1831 et de 1834, les terreurs de 1848, la bataille sanglante de 1849, ont dicté sans aucun doute les considérans du décret de 1852, maintenu et sanctionné par la loi de 1855.

Il faut bien le reconnaître, la configuration de la ville et des faubourgs de Lyon, la concentration des ouvriers à la Croix-Rousse et à la Guillotière, la nature de la principale des industries lyonnaises, exposée aux chômages et aux brusques variations de prix, le manque de relations entre les ouvriers et les fabricans, ont, sous tous les régimes, paru rendre nécessaire à Lyon une concentration de pouvoirs plus énergique que partout ailleurs. C’est l’avis de tous les préfets du Rhône depuis 1830 jusqu’en 1852. Abandonner aux maires de Lyon et à ceux des communes annexes le soin de veiller, chacun de son côté, à la police et à l’administration municipale semblait la plus dangereuse des faiblesses et la plus coupable des imprévoyances. Lorsque la révolution de février eut remis aux mains des classes populaires l’exercice de la souveraineté, la ville de Lyon, dominée, opprimée en quelque sorte par les menaçantes populations de la Croix-Rousse, ne respira plus. Le nom de dévorans ou voraces, donné aux corps armés des ouvriers, explique cette terreur qui paralysait le commerce et l’industrie. La violence toutefois était plus dans les paroles que dans les actes ; mais on pouvait la considérer comme d’autant plus imminente que les élections locales avaient remis le pouvoir à des mains moins faites pour la réprimer. Pendant toute une année, les administrateurs furent réellement complices du désordre, et la ville de Lyon se sentit comme environnée d’une armée d’ennemis ardens et redoutables. Un simple fait montrera combien cette situation était critique. Sous le nom de Société des travailleurs unis, une association fraternelle s’était formée au capital de 100,000 francs, divisé en 100,000 parts, pour l’achat et la vente des denrées d’alimentation, pain, viande, charcuterie, épiceries. On avait ouvert partout, et principalement à la Croix-Rousse, des comptoirs d’échange, devenus de véritables clubs. Un article des statuts de la société enjoignait que tous les ans une réunion des 100,000 membres de l’association se tiendrait à Lyon. La grande revue de cette armée devait donc être passée en septembre 1849. Heureusement la lutte du 15 juin la prévint, et