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sacerdoce lévitique, il fit remarquer malicieusement que ce mot signifiait en hébreu « ville des mâchoires[1]. »

Ils venaient de parcourir le midi de la Palestine ; ils connaissaient déjà dans le nord la zone qui confine à la Grande Mer, il leur restait à voir le centre de la Samarie et de la Galilée, ainsi que la vallée du Jourdain jusqu’à la Mer-Morte. Ce nouveau voyage fut entrepris sans hésitation. Paula était devenue infatigable ; non-seulement elle supportait les plus rudes montures, mais elle marchait à pied des heures entières et gravissait même de hautes montagnes. Les femmes qui la suivaient étaient toutes jeunes et animées d’ailleurs d’une pieuse curiosité. Il fut résolu qu’on partirait au plus tôt, mais qu’on visiterait d’abord la montagne des Oliviers, dont les sentiers étroits et rocailleux n’effrayèrent personne.

Traversant donc la vallée de Josaphat du côté gauche, dans des terrains plantés de vignes, et laissant de côté la roche sur laquelle Judas lscariote livra son maître, ils commencèrent à gravir parmi les oliviers et quelques palmiers jusqu’au monticule d’où Jésus ressuscité s’éleva au ciel. Hélène y avait fait bâtir sous le vocable de l’Ascension une basilique dans laquelle ils entrèrent. C’était une rotonde de médiocre grandeur, mais splendidement ornée : Jérôme fit remarquer que la coupole en restait ouverte, et il raconta la tradition, accréditée depuis Constantin, qu’aucun architecte n’avait jamais pu remplir le vide dans la portion où avait passé le corps du Christ. Il exposa, avec plus de certitude, l’ancien usage juif de brûler chaque année une vache rousse sur la montagne, et d’en répandre la cendre en expiation des péchés d’Israël. Il rappela aussi que la vision prophétique d’Ézéchiel, qui avait vu les chérubins du temple de Salomon émigrer sur la montagne des Oliviers et y construire un temple nouveau, avait reçu son accomplissement dans la basilique de l’Ascension. Du haut de la montagne, le regard planait sur un des plus beaux paysages de la Judée, et on apercevait le couvent de Rufin occupant le côté opposé à la ville. Paula voulut-elle visiter ce monastère dont on lui avait fait tant d’éloges ? Jérôme voulut-il revoir l’ami de son enfance, ou plutôt Rufin et Mélanie ne se trouvèrent-ils pas là pour les recevoir et faire en quelque sorte les honneurs du saint lieu où ils avaient placé leur tente ? Notre historien ne prononce pas leur nom ; mais son récit fut composé plus tard, quand une inimitié implacable divisait ces deux hommes, et que l’inimitié avait rejailli jusque sur Paula elle-même. Croyons que si Rufin et Mélanie, comme on n’en saurait douter, se trouvaient alors à Jérusalem, ils assistèrent à la visite de nos

  1. « Belhphage, domum sacerdotalium maxillarum. » — Hier. ep. 86. Epitaph. Paul. — „Bethphage, domus oris vallium, vel domus buccœ » Lib. nom. Hebr. Hier t. II, p. 112.