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la restriction, ou plutôt, car c’était un homme sensé, il demandait à ajouter une restriction à la restriction elle-même. Il voulait qu’il fût dit que ces règlemens de police seraient uniquement de la nature de ceux que réclame la tranquillité publique. Cela, le premier consul ne voulait pas le mettre au traité, car il avait ses projets, qu’ont révélés plus tard les articles organiques. De part et d’autre on disputa beaucoup, sans se mettre d’accord. « Ou vous êtes de bonne foi, finit par dire Consalvi, en affirmant que le motif qui force le gouvernement à imposer au culte catholique la restriction de se conformer aux règlemens de police est le besoin impérieux du maintien de la tranquillité publique, et alors pourquoi ne pas le dire dans l’article lui-même ? ou bien il y a d’autres raisons, qu’on n’avoue point, à cette restriction, qu’à dessein on veut laisser vague et indéfinie, et j’ai alors le droit de craindre que le gouvernement n’entende assujettir ainsi l’église à ses volontés. »

C’est pourquoi il résistait à cette prétention. On était fort perplexe. A la proposition de rapporter l’état des choses au premier consul, Joseph répondit : « Je connais trop mon frère pour n’être pas assuré d’avance que, s’il est consulté sur ce point, il se refusera à l’addition demandée par le cardinal. L’unique moyen de la lui faire recevoir, quoique je ne promette pas de réussir, c’est de lui porter la chose toute faite. Je veux le bien, par conséquent la conclusion du concordat, et je me crois obligé de dire loyalement ce que je pense. » Il fallait donc signer dans cette même soirée. Quant à l’indignation que pourrait en concevoir le premier consul, c’était lui, comme son frère, qui pouvait s’y exposer avec le moins de danger. Cette déclaration mit fin à la discussion, mais non point encore à la séance. On se mit à dresser deux copies des articles adoptés. Il était minuit quand ce travail fut fini. Joseph, en prenant congé du cardinal, lui donna à entendre que, somme toute, il espérait, la chose étant faite, que son frère ne voudrait pas la défaire, à quoi Consalvi répondit que, dans le cas d’un refus, il ne signerait pas l’article pur et simple, et qu’il partirait, quoi qu’il pût advenir.

Le lendemain, Joseph fit savoir au cardinal Consalvi que le premier consul avait été très courroucé de l’article amendé, qu’il avait d’abord refusé de l’approuver à aucun prix, mais qu’enfin, grâce à ses instances et à ses peines infinies, grâce surtout à de plus sérieuses réflexions sur les conséquences de la rupture, son frère, après une longue méditation et un long silence (que les faits postérieurs expliquent suffisamment), avait accepté le texte amendé de l’article et ordonné qu’on fît part de cette résolution au ministre du saint-père.

Ainsi finirent les laborieuses négociations du concordat. Le pre-