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même passager vînt jamais la troubler, leur intimité resta toujours parfaite. Entre le souverain pontife et son ministre, la communauté des sentimens et des vues devint telle qu’on a peine désormais à les distinguer l’un de l’autre. Pour s’expliquer Pie VII, il faut donc avoir d’abord bien compris Consalvi. Ensemble ils forment comme un pape en deux substances. Le pape extérieur, Consalvi, a tenu la plus grande place dans les négociations relatives au concordat. A Paris, sur le théâtre de l’action, par sa digne attitude, par sa conduite ferme et douce vis-à-vis du premier consul, par ses façons d’agir avec les autres négociateurs, l’habile délégué du saint-père a plus que son maître lui-même contribué au succès de l’importante transaction que nous entreprenons de raconter. C’est pourquoi nos lecteurs nous pardonneront sans doute la nécessité où nous sommes de leur faire faire un peu plus ample connaissance avec un si gracieux personnage. Aussi bien un certain effort est nécessaire pour se bien représenter, en l’an de grâce 1865, dans notre France impériale et démocratique, la figure que faisait de l’autre côté des monts au milieu de la société italienne du siècle dernier un cardinal resté libre de toute espèce de lien ecclésiastique, et que rien, par exemple, n’empêchait de se marier, ce que la plupart avaient grand soin d’expliquer aux dames. Il y a toujours eu plus de chemin qu’on ne pense de Paris à Rome. Les voies ferrées, en abrégeant matériellement les distances, n’ont pas, il s’en faut, effacé encore toutes les différences. Elles auront, nous le craignons, plus vite réussi à transpercer l’épais rideau des Alpes qu’à soulever le voile léger qui nous dérobe quelques-uns des traits les plus caractéristiques de nos proches amis les Italiens. La situation créée chez nous pour les hommes d’église par le mouvement politique et social de 89 nous gêne un peu pour admettre sans quelque étonnement, voisin peut-être du scandale, les conditions d’existence autrement larges et faciles qui ont toujours été, qui sont encore celles du clergé en Italie et particulièrement à Rome. Chez nous, depuis la révolution française, le sacerdoce catholique se recrute, s’instruit et vit à part. Il a garde de se mêler au monde, et le monde non plus ne le presse point trop de se mêler à lui. Certes les prêtres distingués, aimables et recherchés ne manquent point dans nos diocèses. Un tact sûr et délicat les avertit toutefois que leurs plus fervens amis seraient étonnés de les voir prendre part au-delà d’une certaine mesure bien restreinte, soit aux plaisirs les plus innocens, soit aux affaires les plus indispensables. Libre à eux de juger aussi sévèrement qu’ils voudront cette société qu’ils ont à peine eu l’occasion d’entrevoir. S’ils la maudissent du haut de la chaire, elle ne le prendra pas en mauvaise part. Une seule défense leur est tacite-