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persévérance et de fermeté. Ce prélat militant venait de mourir ou était près de quitter le monde quand Jérôme et Paula arrivèrent : on verra plus tard ce que cette perte entraîna de malheurs pour l’église de Jérusalem, et d’ennui pour nos voyageurs.

Des pèlerins de leur condition, quelque soin qu’ils prissent de s’effacer, ne pouvaient se soustraire à la curiosité publique, et la fille des Scipions s’en aperçut bien, lorsque, dans son pieux enthousiasme, elle courut avec ses compagnes à la basilique de Constantin. Toute la ville les y attendait.

Il ne faut aller chercher, dans l’église actuelle du Saint-Sépulcre, ni la grande et célèbre basilique dont nous parlons ici, ni même une simple idée de ce que pouvait être au IVe siècle l’œuvre du premier empereur chrétien, construite sur ses plans par les plus habiles architectes et ornée avec une prodigalité vraiment impériale. Rien n’y ressemble de ce qu’on voit aujourd’hui, et qui a traversé deux ou trois destructions successives ; mais les contemporains nous ont parlé avec tant de détail de la fondation première, qu’il nous est permis de la recréer par la pensée avec une presque certitude. La basilique où se rendaient Jérôme et Paula était un vaste enclos de murs, tourné d’occident en orient, à l’inverse des autres basiliques chrétiennes, et renfermant dans son enceinte les trois monumens principaux de la passion du Christ : la croix, le Calvaire, témoin de la mort, et le sépulcre, de la résurrection. Elle se divisait en trois parties, consacrées chacune à un de ces grands mystères, et portant son nom, ce qui la faisait appeler tantôt le Saint-Sépulcre, tantôt le Golgotha, et tantôt l’église de la Croix. Elle contenait, outre deux églises et un baptistère destiné à l’immersion des enfans, deux préaux ou atria et de nombreux portiques.

A l’extrémité occidentale de l’enclos et au chevet de la basilique, on trouvait la chapelle du Sépulcre, édicule construit au-dessus de la caverne dépositaire du corps du Christ. Elle était de forme ronde, et le toit posait sur des colonnes monolithes de la plus grande beauté. Constantin avait voulu en outre que les parois intérieures, également en marbre, fussent incrustées d’une multitude de pierres précieuses les plus éclatantes, afin d’offrir aux yeux par leur rayonnement, nous dit un contemporain de cet empereur, comme une image des splendeurs de la résurrection. La caverne occupait le milieu, complètement isolée de l’édifice et couverte dans son contour d’un revêtement de marbre. Le vestibule, appendice ordinaire des sépultures juives, en avait été retranché, de sorte qu’on pénétrait directement dans le tombeau. La dalle dont nous parle l’Évangile, que Joseph d’Arimathie avait roulée à l’entrée de la caverne, que l’ange avait enlevée au moment de la résurrection, et sur laquelle les femmes le trouvèrent assis en vêtemens