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mise en possession. Telle fut l’origine de cette série de conventions qui n’auraient probablement jamais vu le jour, si la France n’avait pas eu à sa disposition l’expédient constitutionnel qui permettait au gouvernement de faire des lois de douane avec la diplomatie. Il est donc tout à fait exact de dire que la révision libérale des tarifs européens a été déterminée par la pression de notre politique. L’Angleterre n’a pu obtenir qu’après nous et par nous les abaissemens de taxes qu’elle avait inutilement conseillés avant 1860. Nous lui avons ainsi payé le prix de ses enseignemens en ouvrant à son industrie, en même temps qu’à la nôtre, les marchés sur lesquels la concurrence a enfin pénétré.

L’œuvre diplomatique commencée en 1860 se poursuit activement partout où il y a quelque concession avantageuse à solliciter et à échanger. En Espagne, en Portugal, en Autriche, à Rome, les négociations sont engagées, et il n’est pas douteux qu’elles aboutiront, car à mesure que se généralise, par de plus fréquentes applications, l’épreuve des franchises commerciales, les résistances deviennent moins vives, et les intérêts se rassurent. Aux traités de commerce viennent se joindre les conventions maritimes, qui ont pour objet l’égalité de conditions pour les divers pavillons, la réduction des droits de tonnage, la suppression des surtaxes qui grèvent les marchandises, ce qui doit entraîner, sous le régime de la concurrence, la diminution des frais de transport. Sans doute, la question maritime présente des difficultés sérieuses, en ce qu’elle se complique d’un intérêt militaire de premier ordre dont le gouvernement est obligé de tenir compte. En Angleterre même, la réforme des anciennes lois de navigation ne s’est réalisée que postérieurement à la révision du tarif des marchandises. La protection du pavillon répond à un instinct, à un préjugé national. Il semble qu’en y renonçant la France abandonne une garantie d’indépendance et une arme de guerre. Le libre échange maritime et — pour des motifs analogues — le libre échange colonial sont nécessairement plus lents à se substituer à l’ancien régime. Cependant la lumière commence à se faire sur ces deux points de la législation économique : on reconnaît que les relations entre les peuples ne peuvent pas être soumises en même, temps à des principes contraires, et que les franchises commerciales ont pour corollaires inévitables la liberté des transports ainsi que l’émancipation des colonies. En outre le remplacement des bâtimens de guerre à voiles par les bâtimens à vapeur retire une grande force aux argumens qui recommandaient de protéger à outrance le pavillon national, afin de conserver un nombreux personnel de matelots. On verra donc disparaître, dans un délai prochain, ces derniers vestiges du régime prohibitif. A la