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s’ouvrir, et depuis 1861 la Belgique, la Prusse, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse, la Suède, les villes anséatiques, etc, ont successivement traité avec la France pour être admis, moyennant réciprocité, au bénéfice du nouveau régime commercial.

Nous ne saurions entrer ici dans le détail de ces débats diplomatiques, si différens par leur objet de ceux qui s’agitaient précédemment entre les cabinets européens ; mais il importe de mettre en relief les principes qui dominent cette série, non encore achevée, de négociations commerciales, et de signaler les principaux faits qui en dérivent. Remarquons en premier lieu que désormais les intérêts et les passions politiques des souverains et des gouvernemens se subordonnent de plus en plus aux intérêts économiques des peuples, ou plutôt que gouvernemens et souverains s’attachent à la satisfaction des intérêts populaires comme au plus sûr moyen d’établir ou d’étendre leur action politique. On en voit la preuve dans l’empressement avec lequel toutes les chancelleries, en se rapprochant de la France, se sont portées vers l’étude des questions douanières et des problèmes que soulève la liberté des échanges internationaux, problèmes qui, naguère encore, étaient abandonnés aux disputes des savans et aux rêves des idéologues. En second lieu, le principe qui a inspiré les négociations suivies depuis cinq ans est un principe libéral, remplaçant les doctrines de restriction. La propagande a été générale, et elle s’est communiquée avec une rapidité merveilleuse. Les différentes conventions que nous avons énumérées ont été conclues sans offrir les difficultés et les lenteurs qui entravaient naguère la moindre concession de tarifs. Si la mise à exécution du traité de 1862 avec la Prusse a subi des retards, cette exception tient à la situation particulière de l’Allemagne, à la constitution du Zollverein, aux sentimens de rivalité et de jalousie qui se manifestent à tout propos entre les cabinets de Berlin et de Vienne[1], sentimens qui ne pouvaient manquer de s’envenimer à l’occasion du traité franco-prussien de 1862. Ici encore cependant la passion politique a dû céder à l’intérêt commercial, les états dissidens du Zollverein se sont ralliés au nouveau tarif conventionnel, et l’Autriche, menacée de se voir reléguée dans l’isolement qu’elle prétendait infliger à la Prusse, se trouve obligée de traiter à son tour avec le Zollverein, avec la France, avec l’Angleterre, pour conserver sa place sur le marché allemand et sur les marchés européens.

La conséquence des principes qui ont triomphé, c’est l’ouverture

  1. Nous avons déjà ou l’occasion d’exposer la Politique commerciale de l’Allemagne. Le Zollverein et l’Autriche, — Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1859.