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I

Au premier rang se présentent, en raison de leur nombre et de leur importance, les traités de commerce. La condition première et naturelle du commerce, c’est la liberté des transactions et des échanges, non-seulement entre les habitans d’un même pays, mais encore entre les différens peuples. Cependant dès l’origine, la faculté d’acheter et de vendre au dehors a été considérée comme pouvant être une source de revenu pour le fisc, par cette raison que l’impôt doit atteindre tout ce qui donne des profits. La pensée d’établir un impôt sur l’importation et sur l’exportation des marchandises était d’autant plus rationnelle qu’elle était d’une exécution plus facile et plus simple : il suffisait en effet d’échelonner les agens du fisc le long des frontières et de percevoir un droit de passage. De là le principe des douanes, qui avaient alors un caractère exclusivement fiscal. On ne tarda pas à reconnaître que les tarifs de douane avaient pour résultat de gêner les transactions et de porter atteinte à la fortune publique comme aux intérêts privés. On négocia donc pour obtenir de part et d’autre des suppressions ou des modérations de taxes ; mais ces négociations, dont on retrouve les traces dans les archives de l’ancienne monarchie, furent rarement suivies de succès, et plus d’une fois, au lieu d’améliorer les conditions du commerce, elles aboutirent à des actes de représailles, c’est-à-dire à des aggravations de taxes, le fisc étant de sa nature un négociateur incommode, très attaché au maintien de ses droits et toujours ambitieux d’en conquérir de nouveaux. Les tarifs ne s’inclinaient que devant la raison d’état, devant un intérêt dynastique ou politique de premier ordre, et, s’ils cédaient pour un temps, c’était pour se relever bientôt, dès que la question d’argent, plus forte et plus durable que tout autre intérêt, avait repris son empire.

D’un autre côté, s’ils contrariaient les mouvemens du commerce, les droits de douane, établis et maintenus par des considérations fiscales, créaient à l’intérieur de chaque état des intérêts nouveaux, des privilèges manufacturiers, qui se servaient de l’impôt comme d’un rempart contre la concurrence étrangère. Les tarifs s’élevèrent ainsi par degrés à la hauteur d’une institution nationale appelée à favoriser l’industrie. On diminua les droits à la sortie des marchandises, mais on les augmenta à l’entrée, car on voulait tout à la fois faciliter les ventes au dehors et limiter les importations de l’étranger. C’est Colbert qui inaugura ce système, connu sous le nom de