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quise sur les Jébuséens, y avait fixé le siège d’une fédération des tribus hébraïques et le centre religieux de tout Israël, en y transportant l’arche d’alliance. Cette Jérusalem juives glorieuse et prospère sous ses premiers rois, déclina bientôt, par une longue et lamentable suite de malheurs et de crimes, de discordes politiques et d’apostasies religieuses, de défaites au dehors et d’esclavage sous tous les rois de l’Orient, jusqu’au jour où les flammes allumées par Titus la dévorèrent avec son temple. Elle se releva, mais pour retomber plus bas, après une nouvelle révolte sous Adrien. Ce fut sa fin. Des colonies d’étrangers remplacèrent la population juive, chassée et dispersée, et le sol même fut bouleversé. Disciple des sophistes grecs et sophiste lui-même, Adrien avait compris que la vitalité de cette ville, tant de fois détruite et toujours renaissante, tenait à la religion, et il l’attaqua dans les deux cultes dont elle était le double sanctuaires et qu’il détestait lui-même également, le culte juif et le culte chrétien. Pour le premier, il profana jusqu’aux ruines du temple de Salomon, en faisant dresser sur l’emplacement du saint des saints deux de ses statues divinisées, Pour le second, il souilla le Calvaire et les autres lieux témoins de la passion du Christ. Le Golgotha, situé hors de l’ancienne enceinte, comme lieu de supplice, fut réuni à la nouvelle et nivelé ; la caverne sépulcrale où le corps du Sauveur avait reposé avant sa résurrection, et la citerne où les Juifs avaient jeté précipitamment sa croix à l’approche du jour du sabbat, furent enfouies sous un amas de décombres, et sur le terre-plein formé par ces ruines s’élevèrent deux temples et deux autels, l’un à Jupiter du Capitole, l’autre à Vénus, patronne des césars. Tandis que la ville s’étendait ainsi vers le nord et l’ouest par l’adjonction du Golgotha, elle recula vers le midi, laissant en dehors le mont Sion, cité de David, et le mont Moria, cité de Salomon et emplacement du temple. La ville sortie de cette transformation s’appela du nom de l’empereur et du nom du dieu auquel l’empereur la dédiait, Ælia-Capitolina-Adriana ; les Juifs en furent exclus sous peine de mort : ce fut la Jérusalem païenne.

Cette profanation du culte chrétien dans son plus révéré sanctuaire dura près de deux siècles : Constantin la fit cesser, et s’empressa de rendre aux fidèles les saintes reliques, dont ils n’approchaient plus qu’avec horreur. Les dieux païens furent balayés du Calvaire avec leurs temples. Le terre-plein, fouillé et déblayé, laissa à nu la caverne du sépulcre, le jardin dans lequel elle était primitivement située et l’emplacement de la croix : la masse de pierre tirée de ces fouilles fut si considérable, dit-on, qu’elle suffit pour la construction d’un avant-mur au côté nord de la cité. La croix elle-même