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profit d’un bien certain et possédé d’avance. Nous ne méconnaîtrons plus désormais les bonnes règles, et, dans une société sensible à l’honneur et à la gloire, nous formons le dessein de maintenir dans sa puissante et féconde intégrité le point d’honneur financier. » Pour mettre en vigueur ce système, le ministre proposerait l’emploi de son excédant. « Que faut-il faire, dirait-il, de ces 126 millions ? En stricte justice, ils appartiennent à l’amortissement ; mais l’amortissement est tombé depuis dix-sept ans en désuétude, les amortisseurs rigoristes ne sont plus à la mode. La mode est souvent injuste et insensée, mais il est quelquefois dangereux de lui rompre trop brusquement en visière. Aujourd’hui elle encourage les excitateurs des travaux publics. Le plus prudent serait de faire de notre surplus un usage éclectique. Partageons-le en trois lots : consacrons-en un tiers à racheter de la rente, un tiers au ministère des travaux publics, un tiers au dégrèvement des impôts de consommation, et prenons la résolution d’appliquer désormais l’accroissement et les reliquats disponibles de nos recettes suivant la méthode qui concourt le plus efficacement au développement de la richesse générale et du revenu public. »

Continuons notre songe, et représentons-nous l’effet qu’un exposé financier annonçant non-seulement un excédant disponible, mais le dessein de revenir à l’amortissement de la dette et de n’entreprendre des dépenses extraordinaires que dans la mesure des excédans disponibles, produirait sur le marché financier et sur l’ensemble des intérêts économiques du pays. A un état d’anxiété sourde, de malaise ou de marasme succéderait dans le public financier un vif sentiment de soulagement, de satisfaction, de sécurité. On serait débarrassé de ce souci vexant qui fait que l’on est toujours à se demander s’il est bien sûr que les ressources précaires sur la foi desquelles on a engagé des dépenses extraordinaires seront réalisées, si l’on est bien sûr que les annulations de crédit sur lesquelles on compte se produiront, si l’on est bien sûr que le Mexique nous paiera, s’il n’y aura pas un découvert, s’il ne faudra pas augmenter la dette flottante, s’il ne sera pas nécessaire d’emprunter encore : doutes funestes au crédit public, car ils le font souffrir d’un mal futur, d’un mal hypothétique, d’un mal redouté, comme si c’était un mal certain et présent. Le budget strict et régulier dont nous parlons remplacerait par une féconde confiance une inquiétude maladive. On verrait clair alors devant soi, on ne craindrait plus l’enflure périlleuse de la dette flottante, on ne serait plus sous la fascination désagréable du spectre d’un prochain emprunt. Le crédit public se relèverait avec vigueur, la rente de l’état monterait vivement, les capitaux engagés dans tous les placemens acquerraient une plus-value générale ; la richesse du pays reprendrait une activité et une efficacité plus grandes par le sentiment même qu’elle aurait de son augmentation intrinsèque, et l’esprit d’entreprise, l’industrie privée, dans leur élan naturel, mèneraient à fin des œuvres plus pressantes, plus nombreuses et plus sû-