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au tour de Grant de prendre l’offensive avec ses forces prépondérantes, et pour agir il n’attendait plus que l’arrivée du gros de la cavalerie sous les ordres du général Sheridan, qui avait précédemment gardé la vallée de la Shenandoah, par laquelle les confédérés avaient fréquemment menacé de se porter sur Washington. Il était nécessaire sous plus d’un rapport d’appeler Sheridan et sa cavalerie à Petersburg. L’armée du Potomac, habituée à faire la guerre dans des retranchemens, avait besoin d’un auxiliaire propre à un nouveau système d’opérations. La cavalerie de Sheridan avait d’ailleurs pour elle le prestige de nombreuses victoires, et son commandant lui-même possédait un heureux coup d’œil, une entière confiance en lui-même et une grande énergie. En un mot, Sheridan avait toutes les qualités requises pour faire réussir le mouvement projeté. Je dois noter à ce propos un fait caractéristique : c’est que la cavalerie et l’infanterie vivaient en état de divorce sous le drapeau unioniste avant que Sheridan prît le commandement de la première des deux armes, et sût rapprocher cavaliers et fantassins dans un noble sentiment de fraternité militaire.

A peine Sheridan se présentait-il à City-Point, sur la rive droite du James-River (28 mars), qu’il recevait du général Grant l’ordre d’atteindre par un circuit l’extrême gauche de l’ennemi sur le chemin de fer du Southside, c’est-à-dire la ligne conduisant à Danville et la seule communication que possédât Lee avec le sud. Après plusieurs combats, Sheridan, assisté par le 5e corps, parvint (1er avril) à déloger l’ennemi de ses fortes positions près de Burkoville, appelées Five-Forks. La jonction entre les armées de Johnstone et de Lee était dès lors rendue impossible. Le gros de notre armée, auquel avait été joint le 24e corps, sous le général Ord, transféré de la rive nord de la rivière James, attaqua et força les lignes ennemies. Le résultat de ces succès fut l’évacuation de Petersburg et de Richmond (3 avril).

Lee devait être naturellement embarrassé sur le choix de sa ligne de retraite. S’il ne cédait pas encore, c’était moins pour tenter de nouveau la fortune avec ses forces réduites et démoralisées que pour obtenir de meilleures conditions dans le cas d’une reddition déjà prévue. Cette situation se dessina mieux encore après l’affaire du 6 avril, lorsque Sheridan, ayant attaqué une des colonnes qui battaient en retraite, captura six généraux et fit près de 6,000 prisonniers. Les quarante-huit heures qui suivirent amenèrent la reddition de l’armée rebelle. Une capitulation fut signée le 9 avril entre les généraux Lee et Grant. Quant au général Jonhstone, il n’avait d’autre alternative que de suivre l’exemple de Lee et de se rendre à Sherman. C’est ce qu’il fit. Déjà plusieurs corps de l’armée confédérée s’étaient débandés. La guerre avait cessé de fait, sans que le général Sherman se rendit bien compte encore de la gravité des coups que ses manœuvres habiles et hardies avaient portés à la confédération.