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ses mouvemens par des démonstrations de son aile gauche et de sa cavalerie contre Raleigh, la capitale de la Caroline du nord, située environ à soixante milles de Goldsboro.

Sur ces entrefaites, le général Johnstone, ayant rassemblé ses forces disséminées, se détermina à tomber sur l’aile gauche de l’armée envahissante, commandée par le général Slocum, et l’attaqua soudainement à Dentonville (18 mars) ; mais le général unioniste, quoique ayant affaire à des forces de beaucoup supérieures aux siennes, repoussa l’attaque ce premier jour, donnant de cette manière à l’aile droite, commandée pan le général Howard, le temps de faire volte-face et d’accourir sur le théâtre de l’action. L’ennemi, voyant la concentration des forces unionistes, ne s’aventura pas à renouveler l’attaque le jour suivant. Scofield avait d’ailleurs pris possession de Goldsboro, et Johnstone était menacé sur ses derrières. Il dut se retirer sur Raleigh, et Sherman négligea de l’y attaquer pour marcher sans retard sur Goldsboro (21 mars), place qu’il avait désignée comme le centre de ses opérations futures.

Notre armée, qui de Savannah avait exécuté une marche de plus de quatre cents milles, put se reposer à Goldsboro et attendre l’arrivée de divers effets de campement. La grande division du Mississipi n’était plus alors qu’à cent quarante milles environ des armées retranchées de Grant et de Lee. Chacun comprenait qu’on touchait à l’heure décisive, et malgré la distance, qui séparait encore Sherman de Richmond, son action se faisait déjà sentir à la capitale rebelle, dont les approvisionnemens devenaient de jour en jour plus rares. Le papier-monnaie confédéré était descendu au taux le plus bas. D’un autre côté, les désertions dans l’armée rebelle prenaient des proportions de plus en plus alarmantes pour les gens du sud. Depuis un mois, chaque jour qui s’écoulait envoyait dans nos lignes des douzaines de déserteurs à l’uniforme gris marron. Les Caroliniens du nord semblaient plus particulièrement pressés de rejoindre les lignes unionistes. Sous de pareils auspices, la victoire ne semblait guère devoir favoriser Lee devant Petersburg, et encore plus faibles étaient les chances de succès de Johnstone contre Sherman.

Pourquoi Lee n’avait-il pas essayé en temps utile de se retirer de ses retranchemens et de rejoindre Johnstone de manière à pouvoir écraser Sherman, ou pourquoi Johnstone n’avait-il pas reçu l’ordre de joindre l’armée de Lee et de tenter de concert une attaque contre Grant ? Les imprudences commises par les confédérés à cette heure décisive sont vraiment inexplicables. Réduit par ces imprudences mêmes à tenter un tour de force, le général Lee attaqua de nuit ( 25 mars ) la droite de nos lignes. Le fort Steadman et plusieurs redoutes gardées par le 9e corps d’armée furent enlevés assez rapidement ; mais il ne fut certes pas aussi aisé pour l’ennemi de conserver les points ainsi gagnés, et avant le lever de l’aurore il fut contraint de se retirer, laissant entre nos mains 1,200 prisonniers. C’était