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sourient ; ils sourient encore quand ils se frottent le nez avec de la neige pour l’empêcher d’être gelé, quand ils soufflent dans leurs doigts pour se réchauffer, quand ils se frictionnent avec la graisse de phoque. Sans trop insister sur la bonne humeur permanente de ces hommes, on peut affirmer que, quels que soient leur apparence et leur mode de vivre, ils sont sans contredit hospitaliers et bienveillans. »


Plusieurs bâtimens baleiniers se trouvaient à l’ancre au même moment dans la baie Grinnell, mais chacun d’eux se choisit bientôt une station d’hivernage. Le George Henry et le Rescue vinrent un peu plus au sud s’établir dans Field-Bay, au centre d’un beau havre bien abrité, et les deux équipages prirent leurs dispositions pour se livrer à la pêche de la baleine, qui était leur but, tandis que M. Hall se familiarisait avec les mœurs et coutumes des indigènes. À cette époque de l’année, les parties basses du terrain sont débarrassées de la neige ; sur la mer, il n’y a plus de glace, sauf au large, où défilent lentement les grosses masses qui proviennent des régions plus septentrionales ; de petites fleurs apparaissent dans chaque fente de rocher sur la pente des montagnes ; des moustiques même vous tourmentent de leurs piqûres comme dans les contrées tropicales ; mais, si peu que l’on s’élève, on retrouve la glace et les neiges perpétuelles. Ce qui attriste peut-être le plus l’œil du voyageur est l’absence de tout arbre et même des plus chétifs arbustes. Cette terre a bien juste la force de produire quelques mousses.et quelques graminées pendant le court été qui lui est accordé chaque année.

Quoique M. Hall eût quitté les États-Unis avec l’intention de s’avancer, soit en bateau, soit en traîneau, beaucoup plus au nord que le point où son bâtiment s’était alors arrêté, il fut bientôt forcé de renoncer pour le moment à ce projet. Il ne pouvait entreprendre ce voyage qu’en compagnie des indigènes ; or tous ceux à qui M. Hall en parlait refusaient de s’engager dans cette entreprise, parce que la saison était trop avancée. Par malheur, deux mois après son arrivée dans ces parages, un coup de vent fit sombrer l’un des deux bâtimens, le Rescue, dont se composait la petite expédition, et en même temps le bateau construit sur un modèle spécial et qui devait servir pour le voyage à la Terre-du-Roi-Guillaume. Malgré sa ferme volonté de pénétrer jusqu’à la région où l’on peut espérer de revoir les traces de sir John Franklin, l’intrépide voyageur fut donc contraint de rester dans la contrée où il se trouvait en ce moment, sauf les petites pérégrinations qu’il pouvait entreprendre dans les v mers environnantes avec les moyens que les Esquimaux avaient eux-mêmes à leur disposition. M. Hall sut du moins profiter de ce