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en a besoin ; ce besoin, l’autorité française ne peut qu’avoir intérêt à le satisfaire, La colonisation européenne, pour n’être pas agricole, trouvera encore un champ assez large dans l’exploitation des forêts du Djurdjura, dans la fabrication du vin avec le raisin de la montagne, l’exportation en Europe des figues et des huiles kabyles ; mais que la terre disponible reste aux indigènes. Il ne s’agit pas de la leur donner ; non, vendons-la aux plus offrans ; nous trouverons des enchérisseurs : agriculteurs et jardiniers de nature, actifs, aptes à comprendre tous les progrès, les Kabyles sauront bientôt nous emprunter nos perfectionnemens. Attirés peu à peu vers les vallées fertiles que nous leur aurons livrées, ils sauront bien y bâtir des abris, des maisons, puis des villages, et s’y créeront des intérêts réels qui, plus faciles pour nous à atteindre, feront d’eux des sujets plus faciles encore à maintenir. Les années et la confiance viendront favoriser de plus eh plus leur expansion : par la force des choses, ils s’étendront de proche en proche, et ils s’étendront d’autant mieux que nous aurons moins l’air de les y contraindre. Avec le temps aussi, d’autres Kabyles, dressés par nous aux arts et métiers, se détacheront également de leur montagne pour louer leurs services spéciaux dans les villes ou les campagnes arabes ; retenus là par une profession lucrative, ils pourront, en s’enrichissant, s’acheter eux-mêmes des terrains dans les plaines, s’y marier et y faire souche de Kabyles travailleurs et industrieux.

Veut-on enfin dès aujourd’hui fournir un débouché facile au trop plein des populations djurdjuriennes, prenons-y des soldats, Gens de guerre et d’aventures, ces montagnards répugneraient, par esprit de liberté, au recrutement obligatoire, mais ils courront au-devant des engagemens volontaires. L’an dernier, une compagnie de tirailleurs casernée à Fort-Napoléon avait en quelques mois doublé sur place son effectif, et les volontaires s’offraient si nombreux qu’il a fallu suspendre les engagemens. Avec plaisir ils iraient tenir garnison en pays arabe et y combattre pour nous, — et même au sein d’une lutte européenne, grâce à ces deux puissans mobiles, le courage et l’honneur, qui les guident, on ferait d’eux des troupes dignes de lutter contre les plus braves. Lorsque, dans les rues de Paris, nous rencontrons parfois des turcos se promenant, vite nous distinguons l’Arabe, qui ne s’étonne jamais, du Kabyle à la figure expressive et curieuse. Amener en France ces hommes de temps à autre, c’est faire chose excellente : leurs idées se transforment, ils se rendent mieux compte de notre grandeur et de notre puissance ; la vue de toutes les merveilles de la civilisation les excite davantage à en désirer chez eux les bienfaits, et la comparaison abat surtout leur orgueil, qui a quelque peu besoin de s’humilier. Notre ancien bach-agha du Sebaou, Mohammed-ou-Kaci,