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les branches retombent en courbes régulières comme les longues plumes d’un panache. On ne se lasse point d’admirer les tons éclatans du feuillage ; chaque essence a sa livrée d’automne : l’érable, rouge écarlate, couleur de groseille ou de rubis, se reconnaît de très loin ; l’orme donne des massifs jaunâtres, le vert lutte encore contre le jaune et le rouge dans l’érable sucré. Le soleil couchant, vient dorer la vaste plaine et resplendit à travers les bouquets de bois ; nulle description ne peut donner l’idée des splendeurs de ce spectacle. Les nuages légers, franges immobiles suspendues aux bords de l’horizon, semblent flotter dans la pourpre, dans le feu, dans le sang ; on ne distingue plus les sillons, la rude glèbe, les friches de la plaine, convertie en un lac rose ou violet. Les ormes lointains reluisent comme de frêles bouquets d’améthyste ou de grenat ; mais ces crépuscules féeriques ne durent pas assez longtemps : le soleil s’arrête à peine sur l’horizon, les irisations s’évanouissent par degrés dans une ombre d’abord légère, et bientôt de plus en plus opaque.

Entre Utica et le Niagara, on rencontre deux villes importantes, Syracuse et Rochester. En 1820, Syracuse était un village de trois cents habitans ; aujourd’hui la population dépasse trente mille âmes, elle a 25 églises (dont quatre catholiques) et 8 écoles publiques. Elle doit sa prospérité à ses mines de sel, les plus importantes des États-Unis. À une profondeur de 100 mètres environ, on puise une eau qui renferme dix fois plus de sel que l’eau de mer. Les puits sont creusés et l’eau pompée aux frais de l’état de New-York, propriétaire des terrains salifères. L’eau est fournie à des industriels qui la concentrent pour fabriquer le sel et qui paient un droit minime par mètre cube. Il y a en outre à Syracuse beaucoup de manufactures, des fabriques d’instrumens aratoires, de machines à vapeur, de poêles en fer, des papeteries, des tanneries, des moulins. Le canal Érié traverse la ville de l’est à l’ouest, il est lui-même traversé à angle droit par le canal Oswego, qui se dirige au nord vers le lac Ontario. La ville est coupée de larges rues quadrangulaires ; le chemin de fer suit l’une d’elles et traverse à niveau les quartiers les plus animés ; pendant que les trains ralentis passent devant les grands hôtels, les boutiques, les hautes maisons de brique et de pierre, des enfans s’amusent, au risque de se faire écraser, à sauter sur les petites plates-formes qui terminent à l’avant et à l’arrière toutes les voitures de chemins de fer en Amérique.

Rochester n’a commencé à être une ville qu’en 1834 : en 1855, sa population était de 44,000 habitans. La rivière Genesee lui fournit une force hydraulique presque illimitée ; aussi ses moulins sont-ils peut-être les plus actifs qu’il y ait aux États-Unis. Sur une longueur de 4 kilomètres, la rivière descend de 75 mètres ; trois barrages