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salle des séances. Le président Pezet, un peu moins persuadé que la chambre de l’invincibilité du Pérou, comprenait vers quel abîme ces manifestations irréfléchies l’entraînaient. Il cherchait à sortir de la voie sans issue dans laquelle il se sentait engagé. Les conseils de guerre qu’il réunissait étaient d’ailleurs d’accord pour lui démontrer l’impossibilité d’une résistance contre les forces même réduites de l’Espagne. Malgré la perte de la frégate Triunfo, la division navale de l’amiral Pinzon était suffisante pour anéantir toutes les défenses maritimes du Pérou. Une activité inaccoutumée régnait pourtant dans le port du Callao. On remuait la terre avec une ardeur fébrile pour élever des remparts. Un ingénieur blindait une corvette avec des rails empruntés au chemin de fer. Pour convertir un ponton en batterie flottante, on y transportait une des locomotives desservant la voie du Callao à Lima. Malheureusement ces tentatives mêmes n’aboutissaient qu’à démontrer l’impuissance du pays. Autorisé par les conseils des quelques hommes politiques que compte le Pérou, le général Pezet se décidait alors à dégager sa conduite des passions de l’assemblée et à changer son ministère. Le portefeuille des relations extérieures, abandonné par M. Pacheco, échut à M. Calderon, connu pour ses opinions modérées et pour ses tendances sympathiques vers les hommes et les idées du vieux monde. Cette espèce de coup d’état n’eut pas lieu sans provoquer des protestations. Les comités démocratiques s’agitèrent et poussèrent les hauts cris. L’association des défenseurs de l’indépendance demanda à la chambre de proclamer la déchéance du président. Le désordre devint tel que le vieux général Castilla lui-même conseilla une prompte répression. Les émeutiers furent chargés sur la place publique par un piquet de cavalerie, et tout finit par quelques arrestations. L’opinion s’émut peu, du reste, de ces manifestations, auxquelles le peuple de la capitale ne prit aucune part. On ne pouvait en effet contester sérieusement au président, dans les circonstances suprêmes où il était placé, le droit de changer ses ministres.

Bien qu’il ne fût pas encore officiellement installé, le congrès crut le moment venu de se mêler à la politique active et de tenter une démarche qui constatât son existence politique. Dans la nuit du 31 octobre, le vapeur Talca, de la compagnie anglaise du Pacifique, partait secrètement pour les îles Chinchas, ayant à son bord le secrétaire de la légation chilienne porteur d’une communication adressée par le congrès à l’amiral Pinzon. Le commandant des forces espagnoles fit à cet envoyé un accueil poli, mais réservé ; il dut lui répondre que ses instructions ne l’autorisaient à traiter qu’avec le Pérou. Les membres du congrès crurent que cette réponse leur avait été faite parce qu’ils ne s’étaient pas encore officiellement constitués. Ils se trompaient : une seconde démarche qu’ils essayèrent un peu plus tard auprès de l’amiral Pareja, successeur de l’amiral Pinzon, n’eut pas plus de succès, bien que leurs séances fussent déjà ouvertes. Pouvait-il en être autrement ? A quel titre le congrès sud-américain voulait-il se faire représenter auprès du commandant des forces espagnoles ?