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avaient immédiatement pris possession. Dès que cet événement était connu, les membres du corps diplomatique accrédité à Lima se réunissaient pour maintenir le principe de l’intégrité du territoire péruvien et pour protester contre le droit de revendication énoncé dans la déclaration que les agens de l’Espagne venaient de rendre publique. En même temps une crise politique renversait M. Ribeyro et le remplaçait, comme ministre des affaires étrangères, par un membre de l’extrême gauche, M. Pacheco.

Le nouveau ministre se rattacha aussitôt à l’idée émise par son prédécesseur ; il rédigea une nouvelle circulaire pour réclamer avec instance le concours des républiques sud-américaines et pour hâter la réunion du congrès. Le gouvernement du général Pezet choisit, pour donner l’exemple, le délégué qui devait le représenter dans l’assemblée future. C’était le docteur Paz Solivan, appartenant aux opinions extrêmes du pays : ce choix indiquait l’esprit qui, dans l’intention du ministère Pacheco, devait présider aux délibérations du congrès et aux actes ultérieurs du gouvernement. Obéissant à la même tendance, la chambre nationale imposait au pouvoir exécutif, par une loi du 13 septembre 1864, l’obligation de déclarer la guerre à l’Espagne. Peu de jours après, la corvette chilienne Esmeralda amenait au Callao M. Montt, plénipotentiaire au congrès. L’arrivée de ce beau navire, dans lequel les Péruviens se plaisaient à voir déjà l’avant-garde des forces auxiliaires de l’Amérique latine, rendit un peu de confiance aux masses ébranlées. Des saluts sans fin furent échangés entre les forts du pays et la corvette alliée. M. Montt, ancien président du Chili, resté le chef incontesté d’un parti puissant, apportait à Lima l’autorité de son nom et les conseils de son expérience. À ce moment, le congrès n’avait pas encore commencé à se réunir officiellement ; mais plusieurs des membres qui devaient le composer étaient arrivés déjà. On comptait à Lima, outre les représentans du Pérou et du Chili, les envoyés de la Nouvelle-Grenade, du Venezuela et de la Bolivie. MM. Sarmiento et Pedro Ita, plénipotentiaires de la République Argentine et de l’Equateur, étaient prochainement attendus. Le Brésil, à qui, malgré sa forme politique, une invitation avait été aussi adressée par le Pérou, n’avait pas répondu par un refus absolu, et demandait à connaître, avant de se décider, l’attitude de la future assemblée.

Pendant ce temps, les événemens marchaient, et la situation devenait plus compliquée. La chambre péruvienne, livrée aux passions qui avaient inspiré l’imprudente loi du 13 septembre, continuait à pousser des cris de guerre et à menacer par ses orateurs non-seulement l’Espagne, mais encore les états vieillis de l’Europe. La violence, dans ce qu’elle a de plus exagéré, éclatait à chaque instant dans les gestes, dans les regards des membres de l’assemblée. C’était le réveil de l’esprit indien jetant un dernier défi aux envahisseurs de quatre siècles. Un député plus modéré, ayant essayé d’émettre un doute sur l’étendue des ressources militaires du pays et sur les dangers possibles d’une lutte, était violemment expulsé de la