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suffisante. La dépêche contenait enfin, par manière de post-scriptum, la liste des présens que le capitaine Burton serait chargé de remettre, — présens choisis d’après les indications du Commodore Wilmot, à qui le roi n’avait pas manqué de faire connaître par avance les objets dont la possession lui serait le plus agréable. La seule omission importante était celle d’un équipage attelé, le summum desideratum du roi nègre, à qui l’envoyé britannique devait faire observer premièrement qu’il serait malaisé d’expédier des chevaux anglais à l’intérieur du pays des Ffons[1], en second lieu que, les supposât-on même arrivés à destination, la nature de ce pays et ses conditions climatériques ne permettaient pas d’espérer que les pauvres bêtes survécussent longtemps à un pareil changement de résidence.

Une fois nanti de ces pleins pouvoirs, le capitaine se trouva beaucoup moins pressé d’en user. Deux années de séjour à Fernando-Po lui faisaient envisager cette île sous un aspect tout différent. Fuyant les influences fiévreuses, il était allé s’établir, à huit cents pieds du niveau de la mer, dans un chalet bâti pour un des fonctionnaires espagnols momentanément absent. L’air y était pur, la température supportable, bien que le thermomètre Fahrenheit montât parfois dans la matinée à 68°. On avait du balcon une vue charmante : — « à droite les restes d’un jardin planté de palmiers, à gauche une avenue de bananiers aboutissant à une forêt tropicale, des deux côtés une cascade aux eaux glacées et limpides qui se précipitaient en écumant sur des rochers de basalte, bain délicieux, au-dessus duquel planait à tout instant du jour un concert d’oiseaux chanteurs ; en face, des massifs de rosiers, âgés de deux ans et hauts de quatre mètres, plus deux buissons de caféiers pliant sous le poids de leurs baies écarlates… » On voit d’ici le tableau, peint de main de maître avec une sorte de verve amoureuse. Pendant le mois de septembre d’ailleurs, et dans le pays en question, la saison n’est pas propice aux voyages, car les pluies n’ont pas encore cessé sous l’équateur. En 1863 notamment, elles durèrent par exception du mois de mai au mois de novembre. Le capitaine envisageait avec effroi la traversée des grands marais d’Agrimé, situés entre la côte et la capitale du Dahomey. Bref, pour ces raisons et d’autres, il différa son départ jusqu’au 29 novembre 1863, sans trop se préoccuper, semble-t-il » de ce qu’un pareil retard pouvait avoir de funeste pour un certain nombre de victimes déjà condamnées à figurer dans les « coutumes » du mois suivant. Cette indifférence, surprenante

  1. Nom primitif et encore usité des habitans du Dahomey.