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le sens de la modération ! Le plus plaisant, c’est que, dans le cas d’une occupation militaire du Holstein, M. de Bismark se promettait de bien veiller à ce que la diète n’y employât les troupes prussiennes : il avait dès lors probablement jeté les yeux sur le général de Haak ! Un autre jour (juillet), il étonna le diplomate anglais par la brusque mention d’un congrès européen possible : il lança le premier alors ce mot fatidique qui, quatre mois plus tard, devait retentir d’une autre place et avec un tout autre éclat. Du reste, il affirmait confidentiellement (30 mai) ne pas partager du tout l’effervescence allemande dans cette affaire du Slesvig-Holstein, et encore au mois de septembre (19) il déclarait avoir fait tout son possible pour recommander la modération à Vienne et à Francfort…

Pendant tout l’été de 1863 en effet, M. de Bismark ne se servait auprès du cabinet de Saint-James du différend dano-allemand que pour assister le prince Gortchakov dans la controverse relative à la Pologne[1]. Ferme et inébranlable dans la question polonaise, et affirmant toujours sa solidarité complète sur ce point avec la Russie, le ministre prussien se montrait par contre beaucoup plus facile et traitable en ce qui regardait les duchés, et l’agitation du Slesvig-Holstein semblait le contrarier plutôt que l’exciter. Ce n’est que vers le milieu de septembre qu’il commença d’accentuer avec suite et avec force sa politique contre le Danemark : c’était après la journée des princes à Francfort, alors qu’approchait le terme fixé pour le vote de l’exécution fédérale, alors aussi que la dernière réponse du prince Gortchakov allait décider de l’abandon définitif de la question polonaise. À la nouvelle de la « déclaration de déchéance » que lord Russell projetait de lancer contre l’empereur de Russie, M, de Bismark fit jouer tous ses ressorts (fin septembre et commencement d’octobre). Il parla d’un casus belli, insinua que le roi de Danemark pourrait bien, lui aussi, être déclaré déchu de ses droits sur les duchés pour ne pas avoir rempli les « conditions » qui avaient accompagné le traité de Londres, et parvint ainsi à ébranler le principal secrétaire d’état dans la résolution qu’il avait annoncée à toute l’Europe par son célèbre discours de Blairgowrie. Ajoutons qu’au même moment l’horizon semblait tout à coup s’éclaircir du côté de la Baltique. La diète, il est vrai, avait décidément voté le 1er octobre, l’exécution fédérale ; mais à l’exaspération de l’Allemagne il y eut un temps d’arrêt inexplicable. C’est que M. de Bismark venait de faire entrevoir à lord Russell la possibilité d’un arrangement, et que la minute suivante était convenue le

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1863.