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l’Angleterre était déjà de nature à faire sérieusement réfléchir l’Allemagne même progressiste, il y avait plus d’un indice qui montrait les gouvernement de l’autre côté du Rhin beaucoup moins décidés que ne l’auraient fait croire les « résolutions » du Bund. M. de Bismark se tenait sur le pied d’une neutralité armée, et parlait avec une absence de préjugés tudesques qui semblait rendre un accommodement pour le moins possible ; quant à l’Autriche, il n’était que trop évident que dans toutes ses démonstrations elle cédait seulement au désir de s’assurer les bonnes grâces des petits états. Le moyen imaginé par la diplomatie germanique d’aller chercher dans le Holstein un gage matériel pour l’exécution des « promesses » danoises rappelait trop le procédé analogue de l’empereur Nicolas lorsqu’il passait le Pruth pour ne pas faire penser aussi aux conséquences qu’avait eues pour le tsar cette manœuvre spécieuse, et lord Loftus ne manqua pas d’insister sur ce rapprochement historique devant le ministre de Bavière, le baron de Schrenk (dépêche du 26 mai). « D’après tout ce que j’ai pu apprendre, — mandait de Francfort en date du 10 juillet M. Corbett au comte Russell, — il paraîtrait que le gouvernement de Prusse et surtout celui d’Autriche croient s’être déjà trop avancés pour abandonner le terrain sans se rendre ridicules aux yeux de l’Europe, bien qu’ils ne fussent pas fâchés de le faire, s’ils en trouvaient le prétexte dans l’intervention d’une puissance quelconque qui apporterait une solution pacifique[1]. » Enfin, dans le mois suivant (août), se passa un événement qui mit à nu toutes les divisions intestines de la Germanie, et semblait presque le prélude d’une guerre civile… L’empereur François-Joseph, on s’en souvient[2], fit à cette époque une tentative plus hardie que réfléchie pour réformer le Bund, et donna le signal d’une vaste agitation que lord Clarendon vint étudier sur place. La journée des princes à Francfort échoua piteusement, mais elle entraîna à sa suite, entre l’Autriche et la Prusse, un antagonisme violent, une hostilité qui allait en s’envenimant. Un déchirement intérieur de la grande patrie et une rivalité si manifesté de l’Autriche et de

  1. De même le ministre danois, M. Hall, écrivait à M. de Bille à Londres le 3 septembre : « On a si souvent répété que la diète ne désirait rien plus vivement que de pouvoir se retirer de la position trop avancée où elle s’était engagée un peu malgré elle… »
  2. Voyez la troisième partie de ce travail, M. de Bismark et l’alliance du nord, — Revue du 1er janvier 1865.