Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/759

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la diète de Francfort, par ses dernières résolutions, avait sommé le gouvernement de Copenhague de retirer la patente du 30 mars, et d’informer le Bundestag, dans un délai de six semaines, des préparatifs qu’il aurait faits pour l’établissement d’une constitution commune, — faute de quoi il serait procédé à une exécution fédérale.

La cause en réalité n’était ni des plus claires, ni traitée avec toute bonne foi et décence. La majorité des états composant la confédération germanique avait accepté le traité de Londres, mais la confédération elle-même déclarait ne pas reconnaître ce traité ! Tout en ne reconnaissant pas « ce gage européen de stabilité, » elle en appelait cependant « aux éclaircissemens » auxquels avait donné lieu la négociation du traité, et ces éclaircissemens, elle entendait les expliquer suivant ses convenances ! Elle voulait l’autonomie du Slesvig, et pour y arriver plus sûrement, elle prétendait imposer aux états du Danemark une constitution plus unitaire ! Enfin elle voulait procéder à une exécution fédérale au sujet d’un pays qui n’était pas un pays fédéral ! Les ténèbres cimmériennes qui enveloppaient « le droit » s’étendaient aussi jusqu’à la mesure par laquelle on voulait « le rétablir. » Qu’était-ce par exemple que la mesure dont le Danemark était menacé ? « Une exécution fédérale ne signifie pas la guerre, » disait le comte Rechberg à lord Blomfield, l’ambassadeur anglais à Vienne. Le sous-secrétaire d’état à Berlin, M. Philipsborn, « niait pertinemment (denied) qu’une exécution fédérale dans le Holstein pût signifier une invasion dans le Slesvig. » Le plus rassurant fut sans contredit le comte Platen, ministre du Hanovre. Selon cet homme d’état, « la mesure serait exécutée de manière à empêcher un conflit, et le tout se bornerait à l’envoi d’un commissaire assisté seulement d’une escorte ou d’une brigade. » C’était, comme on le voit, la question banale de quatre hommes et un caporal. Le prix toutefois de la lucidité dans le langage, c’est, comme de juste, M. de Bismark qui l’emporta ; le ministre prussien déclarait dans sa note à M. de Katte, chargé d’affaires à Londres, « qu’il ne voyait pas les complications ultérieures qui pourraient résulter de la mesure fédérale ; mais si la guerre en résultait néanmoins, ce serait alors une guerre offensive de la part du Danemark contre la confédération germanique[1] ! »

Pour introduire un peu de clarté dans le débat, le chef du foreign-office fit le 31 juillet une seconde démarche officielle auprès

  1. Voyez les dépêches de lord Blomfield du 9 juin, de M. Lowther du 4 septembre, de M. Howard des 4 et 25 juillet, et enfin la dépêche de M. de Bismark à M. de Katte du 11 septembre.