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d’armes fut signée entre la Prusse et le Danemark sur la médiation de l’Angleterre ; mais le général Wrangel refusa péremptoirement d’exécuter l’armistice. Ce serviteur éprouvé de Frédéric-Guillaume IV, et qui devait bientôt diriger le coup d’état à Berlin, déclara en ce moment désobéir à son roi : il était soldat de la confédération, et n’avait d’ordre à recevoir que de l’archiduc Jean, le nouveau vicaire de l’empire[1]. De même plus tard la confédération germanique prétendait ne pas reconnaître le traité de Londres, vu que la Prusse et l’Autriche seules l’avaient signé, et qu’il n’avait pas été soumis à l’approbation de la diète de Francfort. Les « progressistes décidés, » les Brutus et honourable men de la grande association patriotique du National Verein devaient même bientôt affirmer[2] qu’il n’est pas jusqu’à l’Autriche et la Prusse qui ne pussent au besoin, et comme membres de la confédération germanique, « s’affranchir des obligations d’un traité qu’elles avaient signé uniquement en leur qualité de puissances européennes !… »

En face d’un problème à ce point confus et de la convoitise allemande si habile dans l’art de créer les ténèbres et de « fendre les mots[3], » les puissances appelées, en 1850 et 1852, à établir un arrangement définitif auraient donc dû rechercher surtout une combinaison nette et précise qui ne laissât aucune place à l’équivoque et mît hors d’emploi la chicane. Le plus simple à coup sûr, le plus sensé aussi, eût été de débarrasser complètement le Danemark de son fardeau du Holstein, de mettre ce duché à la disposition d’un de ces nombreux princes que la féconde Allemagne tient toujours prêts pour tout autel nuptial de haut lignage ou pour tout trône fraîchement décoré. On aurait ainsi rendu la monarchie scandinave à elle-même, brisé la chaîne qui la rongeait en la rivant au corps germanique. Un programme si rationnel concordait toutefois bien peu alors avec les vues routinières et intéressées d’une partie de la classe gouvernante à Copenhague ; il aurait paru excessif même à ce parti de l’Eider, qui ne voulait « qu’isoler » le plus possible le duché de Holstein des autres provinces de la monarchie ; il aurait enfin trouvé un obstacle invincible dans la mesquine obstination du tsar

  1. Lord Palmerston ne cacha pas alors le sentiment que lui inspirait cette politique cauteleuse de l’Allemagne, et, dans une dépêche à lord Westmoreland du 25 juillet 1848, il menaça d’abandonner tout essai de médiation, si la Prusse ne faisait pas respecter l’armistice : « The office of mediation would otherwise be of such a description that it would not be consistent with the dignity of England to undertake it. « 
  2. Voyez la curieuse dépêche de sir A. Malet à lord John Russell (Francfort, 30. mai 1863). Du reste, M. de Bismark tint un langage presque identique à lord Wodehouse ; voyez aussi la dépêche de ce dernier à lord Russell du 12 décembre 1863.
  3. Splitting of words, expression de lord Palmerston a l’adresse de M. Gagern dans sa dépêche à lord Cowley du 13 mars 1819.