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lamentable que la cause qui devait passionner plus tard en Allemagne la démocratie et y enrôler sous sa bannière les partis les plus avancés ait eu son point de départ dans les prétentions obsolètes d’une caste féodale. Pour défendre ces prétentions, pour justifier certaines prérogatives réclamées par ses cliens « les prélats et chevaliers du duché de Holstein, » Dahlmann avait commencé par établir qu’il existait une communauté d’intérêts et de droits, — un nexus socialis, — entre la noblesse du Holstein et celle du Slesvig. Il creusa plus profondément le sillon, et finit par découvrir que le nexus s’étendait à l’ensemble des institutions, à « l’organisme même » des deux pays, et que « les duchés » étaient indissolublement a unis » l’un à l’autre, bien que l’un fût une terre fédérale et que l’autre n’eût jamais fait partie de l’empire. Le savant historien concluait de là que le Slesvig devait « partager » les institutions, la langue et « les destinées futures » du Holstein….. Ainsi se trouva formulé le credo du slesvig-holsteinisme, que l’ardent professeur ne se lassa pas de propager depuis et « d’élucider » dans maint mémoire, cours, livre, pamphlet et journal. Il invoquait les textes les plus obscurs, les chartes les plus poudreuses, des diplômes de 1326, de 1448 et de 1460 ; mais, si confuse et peu attrayante que fût la démonstration, les honnêtes patriotes de la Germanie saisirent parfaitement « le très bref sens du très long discours, » pour parler le langage de leur Schiller. Il y avait là évidemment une province à réoccuper, un magnifique port à acquérir, une mer à dominer ; plus tard, ils devaient même s’apercevoir qu’il y avait là aussi des frères à délivrer !

La belle découverte de Dahlmann ne put donc pas manquer d’être chaleureusement acclamée par toutes les universités de la grande patrie allemande. Dans le Holstein même, les idées de l’union descendaient peu à peu des « prélats et chevaliers » aux couchés populaires et y prenaient racine ; elles commençaient aussi à gagner une partie de la noblesse du Slesvig que nourrissait de son fait fortifiant l’alma mater de Kiel ; enfin tout bas on se disait encore que la nouvelle foi avait des confesseurs discrets, mais très zélés et très intéressés, jusque sur les marches du trône du bon Frédéric VI. Un des principaux points de la discussion soulevée par Dahlmann avait porté sur la lex regia, la loi salique du Danemark : le savant historien contestait la validité de cette loi pour