Rome était pleine, et qui ne reculaient devant rien pour de l’argent. L’ancien tribun Gabinius gouvernait la Syrie. On lui promît 10,000 talens (55 millions), s’il voulait désobéir ouvertement au décret du sénat. La somme était forte, Gabinius accepta le marché, et ses troupes ramenèrent Ptolémée dans Alexandrie.
Dès que Rabirius le sut rétabli, il s’empressa de venir le retrouver. Pour être plus sûr de rentrer dans ses fonds, il consentit à se faire son intendant-général (diœcetes), ou, comme on dirait aujourd’hui, son ministre des finances. Il prit le manteau grec, au grand scandale des Romains sévères ; il revêtit les insignes de sa charge dans la pensée qu’il ne serait jamais mieux payé que s’il se payait de ses mains. C’est ce qu’il essaya de faire, et il paraît qu’en levant l’argent promis à Gabinius il prenait aussi discrètement de quoi se rembourser lui-même ; mais les peuples qu’on ruinait se plaignirent, et le roi, à qui Rabirius était insupportable depuis qu’il n’avait plus besoin de lui, qui trouvait peut-être le moyen commode pour se débarrasser d’un créancier, le fit jeter en prison, et menaça même sa vie. Rabirius se sauva d’Égypte dès qu’il le put, heureux de n’y laisser que sa fortune. Il ne lui restait plus qu’une ressource. En même temps qu’il administrait les finances du roi, il avait acheté pour son compte des marchandises égyptiennes, du papier, du lin, du verre, et il en avait chargé plusieurs vaisseaux qui débarquèrent avec un certain éclat à Pouzzoles. Le bruit en vint jusqu’à Rome, et, comme on était habitué aux aventures heureuses de Rabirius, la renommée prit plaisir à exagérer le nombre des vaisseaux et la valeur du chargement. On disait même tout bas que parmi ces navires il y en avait un plus petit qu’on ne montrait pas, sans doute parce qu’il était plein d’or et d’objets précieux. Malheureusement pour Rabirius il n’y avait rien de vrai dans tous ces récits. Le petit navire n’existait que dans l’imagination des nouvellistes, et, les marchandises que portaient les autres s’étant mal vendues, il fut tout à fait ruiné. Sa catastrophe fit sensation à Rome, et l’on s’en occupa toute une saison. Les amis qu’il avait si généreusement obligés l’abandonnèrent ; l’opinion publique, qui lui avait été jusque-là si favorable, se déchaîna contre lui. Les plus indulgens l’appelaient un sot, les plus emportés l’accusaient de feindre la misère et de soustraire à ses créanciers une partie de sa fortune. Il est certain cependant qu’il n’avait plus rien et qu’il ne vivait que des libéralités de César, un de ceux en petit nombre qui lui restèrent fidèles dans son malheur. Cicéron non plus ne l’oublia pas. Il se souvint qu’à l’époque de son exil Rabirius avait mis sa fortune à sa disposition et payé des hommes pour l’accompagner. Aussi s’empressa-t-il de plaider pour lui quand on voulut l’envelopper