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où trois grandes portes donnaient accès ; intérieurement, les murs étaient revêtus de marbre jusqu’à hauteur d’appui ; au-dessus brillaient des mosaïques ; quelques fragmens retrouvés sont d’un goût fort élégant. Le plafond, sans doute peint et doré, était supporté par quatre hautes colonnes de granit surmontées de chapiteaux en marbre de Paros. On a, dans le cloître et devant la porte de la cathédrale, des débris de ces énormes colonnes, qui furent renversées dans la première destruction de l’édifice ; ce qui peut donner quelque idée de l’effet que produisait cette ordonnance, c’est cette grande pièce des thermes de Dioclétien dont Buonarotti a fait à Rome l’église de Sainte-Marie-des-Anges[1].

Il resterait encore beaucoup à dire des monumens de la Trèves romaine ; nous n’avons parlé ni de ceux qui ont disparu depuis un siècle ou deux, comme l’arc de triomphe de Gratien, ni des tours ou propugnacula qui se voient encore, très bien conservées, dans deux rues de la ville, ni de débris d’aqueducs et de réservoirs que l’on a signalés aux abords mêmes de Trèves et dans les environs. Le monument d’Igel, obélisque à quatre pans, haut de 26 mètres et tout couvert d’inscriptions et de sculptures assez mal expliquées jusqu’ici, mériterait aussi d’attirer l’attention : cette singulière construction, qui était, il y a soixante-dix ans, mieux conservée qu’aujourd’hui, a vivement frappé Goethe, comme on peut le voir dans son récit de la campagne de France. Dans les pensées que lui suggèrent, dès 1792, les bas-reliefs de ce monument, on peut trouver le germe et comme l’ébauche de conceptions et de préférences qui, surtout après le voyage, en Italie, exerceront une influence si marquée sur les œuvres de toute la seconde moitié de sa carrière. Cette impression qu’éprouva Goethe devant l’obélisque d’Igel, nous avons essayé de la demander aux ruines imposantes de Trèves. Puisse cette tentative être bien accueillie de tous ceux qui aiment l’antiquité, qui comprennent que les livres ne suffisent pas à nous la révéler, que son âme nous parle aussi dans les moindres débris de ses arts, dans tous les monumens de sa vie publique et privée !


GEORGE PERROT.

  1. Le seul travail imprimé de M. Wilmosky est, à ma connaissance, une intéressante étude sur une maison antique découverte à Trèves ; elle est intitulée Das Haus des Tribunen M. Pilonius Victorinus in Trier, Trèves 1863. On ferait un magnifique ouvrage des dessins qu’il a entre les mains, et qui se divisent en deux séries, ceux qui représentent la cathédrale telle qu’elle était aux différens momens de sa vie, et ceux qui comprennent toutes les peintures et mosaïques de Trèves et des environs ; mais ce serait là un ouvrage très coûteux, dont un gouvernement seul pourrait faire les frais.