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une sorte de cour occupe le centre. Il y a donc deux façades, l’une tournée vers l’ouest ou l’intérieur de la ville, l’autre qui regarde l’est, c’est-à-dire le Rhin et l’Allemagne. Ces deux façades sont percées chacune de deux larges passages voûtés qui se correspondent de l’une à l’autre. Au-dessus de ces deux spacieuses arches court de part et d’autre un double étage de galeries ; des colonnes doriques adossées séparent des fenêtres en plein-cintre. Ce corps central est flanqué de deux tours saillantes, carrées du côté de la ville, semi-circulaires à l’extérieur. Les tours ont ou plutôt elles avaient trois étages. C’est que cet édifice, comme tant d’autres nobles débris de l’antiquité, a été mutilé et transformé au moyen âge. L’évêque Poppo ayant entrepris, en 1028, le pèlerinage de la Terre-Sainte, en ramena un anachorète, nommé Siméon, qui, à son arrivée à Trèves, s’établit au sommet de la Porte-Noire et y passa tout le reste de sa vie. Cet émule de saint Siméon Stylite, ce rival des santons de la Turquie et des fakirs de l’Inde, se fit ainsi une telle réputation de sainteté, qu’après sa mort on le canonisa. De plus Poppo convertit en une église le bâtiment où son ami avait mené une vie si méritoire, et qui désormais lui fut consacré. En conséquence, une abside semi-circulaire dut être ajoutée à l’une des extrémités. Cette église, qui en formait trois l’une au-dessus de l’autre, servit au culte jusqu’à la fin du siècle dernier. Transformée, en arsenal et en magasin pendant la domination française, elle est aujourd’hui un musée ; on y a réuni des antiquités romaines et du moyen âge trouvées sur divers points de la ville et de son territoire. C’est le gouvernement prussien qui, reprenant une pensée de l’empereur Napoléon, l’a rétablie autant que possible telle qu’elle était avant que la destination n’en fût changée ; seulement il a laissé subsister l’abside romane, et il n’a pas restauré celle des tours dont l’étage supérieur avait été abattu pour donner à l’ensemble l’apparence d’une église. C’est en 1825 que la double porte a été rouverte au public ; c’est là qu’aboutit la Simeon-strasse, une des principales rues de Trèves.

Personne ne doute plus guère maintenant que la Porte-Noire ne soit bien une porte de ville. Une première présomption dont il faut tenir grand compte, c’est d’abord cette persistance d’une tradition qui, nous le voyons dans des documens écrits remontant au XIe siècle, n’a jamais varié, ne s’est jamais interrompue. Se met-on à étudier de plus près l’édifice, toute l’ordonnance confirme cette impression première. Ce sont ces deux passages voûtés qui se répètent sur les deux façades ; ce sont, du côté de la campagne, ces deux tours saillantes et semi-circulaires, ces deux propugnacula, appendice presque nécessaire de toute porte romaine, disposition que l’on retrouve, dans des constructions analogues, à Pérouse, à Vérone,