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le fond de la vallée de la Moselle et de celles de ses affluens, partout où elles présentent quelque largeur ; les pentes des coteaux sont merveilleusement propres à la culture de la vigne, qui commençait à s’introduire dans la Gaule belgique vers le temps de la conquête. La forêt, qui s’étendait d’un côté jusqu’au Rhin, de l’autre jusqu’à la Meuse, était pleine de gibier de toute sorte, et on y chassait sans doute encore l’élan et l’aurochs, ces géans de notre faune, que le défrichement et l’adoucissement du climat ont repoussés depuis vers les extrémités septentrionales de l’Europe. Sous les chênaies de l’Ardenne erraient des porcs sans nombre, croisés avec les sangliers et presque aussi sauvages qu’eux ; la chair du porc occupait une place importante dans l’alimentation des peuples, gaulois. Sur le lit de gravier où court la claire et rapide Moselle, le poisson abondait, et on peut lire dans Ausone le nom des espèces variées que nourrissait autrefois la féconde rivière. Le saumon ne se rencontre que par accident aujourd’hui dans les eaux de Trèves et de Metz : les barrages et les roues des usines l’ont effrayé, les bateaux à vapeur l’ont mis en fuite ; mais alors il remontait la rivière jusqu’au pied des Vosges. La Sarre et la Moselle avaient de vastes et fraîches prairies où tout gros bétail pouvait prospérer ; c’était là aussi que grandissaient et que venaient se refaire, entre deux campagnes, parmi les hautes herbes du printemps et les plantureux regains de l’automne, les chevaux des Trévires, de ces hardis cavaliers, heureux rivaux des cavaliers suèves. Enfin ce qui permettait de jouir avec plus de sécurité de tous ces avantages, c’est que vingt ou vingt-cinq heures de marche à travers un pays montagneux et boisé séparaient, en ligne directe, la capitale des Trévires du Rhin, limite de la Germanie. Si l’ennemi prétendait remonter la vallée de la Moselle et en suivre les longs détours, la distance était encore bien plus grande. Trèves n’était donc pas exposée à être enlevée ou tout au moins inquiétée par un coup de main, à voir un jour, en se réveillant, les pillards suèves dans la plaine et l’incendie dans ses faubourgs.

Trèves s’agrandit et se développa rapidement sous la domination romaine. Capitale de la Gaule belgique, une des trois nouvelles provinces établies par Auguste, elle servait de résidence au gouverneur (legatus Augusti pro prœtore) que nommait l’empereur. Les Trévires fournissaient aux armées qui gardaient la frontière du Rhin des corps de cavalerie (alœ), que l’on trouve mentionnés sur les inscriptions comme dans les récits des historiens, et qui se distinguèrent souvent dans la guerre de Germanie. Avant le règne même de Claude, des nobles trévires, s’étant signalés par le concours qu’ils prêtaient à l’administration romaine ou par de brillans