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élémens considérables. La Phénicie, je l’ai établi par mes recherches, fut, dès la haute antiquité, sous la dépendance de la civilisation égyptienne. Les Hébreux, qui ont donné au monde leur religion, ont beaucoup pris à l’Égypte en fait de matériel religieux. L’arche est sûrement une chose égyptienne. Presque tous les temples égyptiens de l’époque classique en présentent l’image gravée sur leurs pylônes ; le temple de Chous, à Thèbes, en possédait une des plus célèbres, qui fit des voyages lointains. Ces arches portatives sont ombragées, comme celle des Hébreux, par des sphinx (cherubs) aux ailes repliées en avant. — Le temple de Salomon était, quant à ses traits essentiels, un temple égyptien. — Et la grande idée monothéiste, que le peuple juif a la gloire d’avoir prêchée et répandue dans le monde entier ? Autrefois je la regardais comme l’apanage propre du Sémite nomade. Je n’abandonne pas cette idée, que je crois fondamentale dans l’étude comparée des religions, car, en supposant que d’autres peuples aient eu la même doctrine, ce ne sont pas eux qui l’ont fait triompher ; ce n’est pas leur monothéisme que le monde a adopté, c’est le monothéisme sémitique, prêché par des Juifs, des chrétiens ou des musulmans. Une idée du même genre cependant ne se cachait-elle pas au fond de ces temples sans images, sans idoles, comme celui que M. Mariette a découvert près des pyramides ? Je ne sais. — Certes, l’Égypte n’est pas le pays du rationalisme, il n’y faut chercher rien d’analogue à la philosophie des Grecs ; mais elle eut un puissant génie religieux. Après la religion juive et le christianisme, la religion égyptienne, avec son Osiris rédempteur, fut celle qui fit dans le monde antique, à l’époque romaine, le plus de prosélytes. Elle n’était plus à cette date qu’un amas de superstitions, un polythéisme intéressé, bassement populaire, presque grotesque, une religion de vœux, de pèlerinages, de guérisons miraculeuses. Que fut-elle cependant à l’origine ? Je comprends très bien le principe de la religion aryenne, religion toute de poésie, naturalisme profond, touchant, plein d’une haute moralité ; je crois bien comprendre le principe de la religion des Sémites nomades, telle que le livre de Job nous la présente, telle que le musulman de race arabe la pratique encore de nos jours ; je comprends même jusqu’à un certain point ces cultes bizarres de Babylone et de la Syrie, cultes non sémitiques, encore moins aryens, répondant à des sensations d’un ordre à part : l’idée première de la religion égyptienne m’échappe. Peut-être ici encore l’analogie avec la Chine se retrouverait-elle. Une hypothèse qui satisferait, après tout, à la plupart des données qu’on a pu réunir sur le culte primitif de l’Égypte serait d’y voir une sorte de religion naturelle, s’exprimant en symboles qui très vite auraient été pris pour des réalités. Cette marche, je le sais,