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et finit par occuper une place considérable parmi les productions de l’époque.

Le reste de l’Allemagne n’était que trop disposé à subir l’influence du réalisme qui régnait à Munich. Depuis quelque, temps déjà, la civilisation allemande était entrée dans une voie nouvelle. Les esprits commençaient à se préoccuper plus vivement des intérêts politiques et économiques de la nation ; une tendance pratique assez gauche dans ses débuts, et qui jusqu’à présent n’a pas produit de résultat bien sérieux, s’était répandue peu à peu sur ce sol du mysticisme et de la rêverie. De contemplative qu’elle était, la pensée était redescendue vers les choses de ce monde. On avait craint de rester trop en arrière du progrès utilitaire de l’Angleterre et de la France ; le naturalisme remplaçait la métaphysique transcendantale, la culture des sciences positives prenait un essor jusque-là inconnu. D’un autre côté, la poésie proprement dite faisait place aux recherches savantes de l’histoire nationale et aux études de mœurs. Tous ces changemens devaient avoir leur contre-coup dans les arts : au lieu de demander à ces derniers de simples jouissances esthétiques, on exigea d’eux la représentation de ces objets auxquels on portait tant d’intérêt dans la réalité ; on voulut trouver en même temps l’utile et l’agréable, utile dulci. Le goût d’ailleurs, dans cette direction exclusive de l’intelligence, avait dû se rétrécir : les émotions du beau, du sublime, du pittoresque, n’avaient plus chez les individus assez d’intensité pour se soutenir seules, et à des fictions propres à charmer l’imagination on préférait désormais des œuvres qui répondissent mieux aux exigences d’un public désireux d’apprendre, avide d’étudier la vie et la nature.

Le réalisme, en s’étendant ainsi hors des limites de son berceau, devait toutefois, subir des métamorphoses. Il avait jusqu’alors offert avant tout un caractère monumental : en pénétrant à Düsseldorf, où la peinture n’avait aucun rapport avec l’architecture, il fut ramené à des prétentions beaucoup plus modestes. D’un autre côté, à Munich même, l’architecture, après avoir rempli la ville de ses constructions, voyait sa tâche à peu près accomplie, et la place commençait à manquer pour des fresques nouvelles ; la fièvre des beaux-arts s’était peu à peu calmée, et une période de réaction était devenue inévitable. On s’apercevait aussi que la peinture murale ne convient pas au climat rigoureux de la Bavière, et que l’école de Munich, en s’attachant à orner les édifices publics, n’avait pas travaillé pour la postérité. Il est peu de ses œuvres qui n’aient subi des altérations plus ou moins graves : quelques-unes sont déjà complètement effacées, et celles mêmes qui se trouvent à l’intérieur des monumens n’ont pas été tout à fait à l’abri des intempéries de