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Munich possède à la Nouvelle-Résidence ses galeries de Versailles. Schnorr y a peint, dans trois grandes salles, les principaux exploits de Charlemagne, de Frédéric Barberousse et de Rodolphe de Habsbourg. Le dessin de Schnorr est moins négligé que celui de Cornélius, mais son coloris est aussi faible ; il n’y a pas d’ombres dans ses peintures, et une lumière douce et uniforme se répand avec monotonie sur toutes les figures de ses tableaux. Dans une salle dite des batailles s’étalent quatorze grandes compositions de Hess, de Kobell, d’Adam, de Monten. À la Basilique, Hess a présenté en vingt-deux tableaux la vie de l’apôtre allemand saint Boniface, et en trente-six autres la propagation du christianisme en Allemagne. Sous les arcades du palais, il a résumé en trente-neuf compositions à l’encaustique les principaux épisodes de la délivrance de la nation grecque. Il faut reconnaître que le dessin de Hess est d’une correction remarquable, et qu’il y a dans son coloris plus de vigueur et d’éclat que dans celui des autres peintres bavarois de la même époque. Sous les arcades du jardin de la Résidence, on peut voir les exploits des princes bavarois à raison de deux exploits par siècle, ni plus ni moins. Rappelons enfin les collections de paysages grecs et italiens de Rottmann. Qu’on n’aille pas s’imaginer que l’artiste a choisi les sites les plus beaux ou les plus pittoresques : l’œuvre était commandée, et c’étaient seulement les paysages historiques que Rottmann avait l’ordre de reproduire. Malheureusement ce ne sont pas toujours les lieux qui ont été le théâtre de grands événemens qui sont les plus agréables pour l’imagination : ces vues de Rottmann, tant vantées, ne méritent guère leur réputation ; la touche en est très négligée, et il ne faut pas les regarder de trop près. La lumière qui les éclaire semble plutôt celle du gaz que celle du soleil, et ils produisent un effet analogue à celui de décors d’opéra, Ce qu’on doit surtout reprocher à toutes ces collections ou cycles historiques, c’est d’inspirer la monotonie et l’ennui ; au lieu de promettre les plaisirs du goût, on sent qu’elles provoquent plutôt l’étude, et elles sont sans aucun attrait pour tous ceux qui n’ont pas le désir de s’instruire. Elles prouvent que l’Allemand est, à un très haut degré, doué de l’esprit de suite, qu’il se plaît à mener à fin de longues entreprises avec une persévérance que rien ne peut lasser, et qu’il se montre dans les arts aussi méthodique et amateur de classifications qu’il l’est dans les matières philosophiques. Ce procédé a d’ailleurs profité plus d’une fois à la réputation et à la popularité d’un artiste : le public ne se rend pas toujours bien compte des impressions qu’il reçoit ; le grand nombre des œuvres le frappe quelquefois plus fortement que l’exécution même, un tableau médiocre n’attire pas l’attention, mais une suite de cinquante tableaux médiocres devient quelque chose d’important,