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une voie toute contraire et dont les principales productions étaient devenues l’objet d’un engouement universel. Ce n’est pas que les peintres de Düsseldorf aient pris ceux de Munich pour modèles et se soient abaissés au rôle de simples imitateurs : leur réalisme diffère notablement, au contraire, de celui des artistes bavarois ; mais à leur insu, pour ainsi dire, ils ont été conduits à satisfaire aux exigences d’un goût nouveau, que les œuvres de l’école de Munich avaient contribué à éveiller.

Quand un Français se trouve pour la première fois en présence des peintures de Cornélius ou de celles de ses disciples, il éprouve une sorte d’étonnement mêlé d’embarras, et cet embarras est d’autant plus grand que son goût s’est exercé davantage sur les chefs-d’œuvre des autres siècles et des autres écoles. Il ne trouve là rien de ce qu’il a l’habitude de demander à la peinture : tout y dérange ses associations d’idées, il se sent transporté au sein d’une esthétique nouvelle dont le secret lui échappe. La peinture à Munich devait être subordonnée à l’architecture ; mais les peintres ont compris d’une manière exclusive et trop étroite le rapport qui existe entre les deux arts. On ne saurait les blâmer d’avoir interprété le terme de monument dans le sens étymologique le plus rigoureux et d’avoir pensé que tout ce qui est monumental doit renfermer un enseignement soit métaphysique, soit historique. Ils ont eu raison du moins en ce qui touche la peinture historique : c’est assurément le genre qui convient le mieux à l’ornementation d’un édifice public ; mais on ne peut en dire autant de la peinture métaphysique. L’allégorie est le seul moyen d’exprimer une idée abstraite, une vérité générale, au moyen de signes sensibles, et dans la peinture ce n’est jamais qu’un pis-aller auquel il ne faut recourir qu’avec de grands ménagemens. L’école de Cornélius a eu le tort d’en abuser, et elle est ainsi tombée dans les plus étranges exagérations. Elle a commis une seconde faute, bien plus grave encore : les peintres de Munich ont pensé que l’art avait atteint son but quand le symbole exprimait suffisamment une idée, ou quand le tableau représentait exactement un fait historique. Ils n’ont rien fait pour rendre leurs œuvres attrayantes, pour embellir les matériaux dont ils se servaient. Leur système est, à vrai dire, une abdication de l’art, car leur peinture, qui ne s’adresse qu’à l’intelligence, ne se soucie d’éveiller aucune émotion esthétique.

On a voulu voir dans le système symbolique de Cornélius une forme de l’idéalisme : c’est là une erreur. L’idéalisme dans les arts ne consiste pas à exprimer d’une manière allégorique et détournée une vérité de l’ordre métaphysique, mais à présenter au goût et à l’imagination un objet idéal. Il y a deux choses à distinguer dans le symbole, la chose signifiée et le signe ; la première peut être une