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intérêt de mettre en opposition cette monarchie de l’art classique, où Kaulbach gouverne sans rival, avec la démocratie réaliste, qui n’a de puissance et d’éclat que par la masse de ses adhérens.


I

On connaît l’idéalisme religieux d’Overbeck ; on sait que ce peintre, amené par une conviction sincère à se convertir à la foi romaine, avait rêvé de réaliser dans toute sa perfection le type de l’artiste catholique. S’il s’en était tenu là, Overbeck aurait pu n’être qu’un peintre religieux comme il y en a tant ; mais c’est sa manière rigoureuse a interpréter le catholicisme qui lui a fait dans la peinture une place à part. il distingua en effet deux espèces de catholicisme, l’un mondain, vivant de transactions, sachant s’accommoder aux passions humaines et se prêter aux jouissances de la vie, l’autre austère et pur de tout sensualisme, sanctifiant la souffrance et prescrivant le triomphe de l’esprit sur la chair comme un des principes les plus essentiels de la morale. Le premier peut devenir pour le goût, comme il l’a été pour la politique, d’une exploitation féconde ; mais, aux yeux d’Overbeck, dès que le catholicisme est pris au sérieux, il conduit à l’ascétisme. Partant de cette manière de voir, il avait reproché à Raphaël et aux autres peintres de l’Italie d’introduire dans leurs œuvres trop d’élémens païens, trop d’agrémens plastiques : comment concilier en effet ces figures fraîches et roses, pleines de vie et de santé, heureuses et souriantes, avec les enseignemens d’une religion qui est hostile à la beauté du corps, moins encore parce qu’elle ne développe que certaines qualités de l’âme que parce qu’elle prêche avant tout la mortification ? Pour Raphaël, l’art était devenu le but principal ; la religion n’avait plus qu’une importance secondaire, et fournissait seulement au génie, avec des occasions de s’exercer, une matière qu’il élaborait et transformait suivant tous les caprices du goût. Ce qui avait fait la gloire de Raphaël aux yeux des critiques et des artistes devenait, dans la pensée du pieux Overbeck, une sorte de profanation. Le peintre allemand prit la résolution de soumettre à son tour l’art à la religion, et de ne s’adresser dans ses œuvres qu’à des sentimens qui fussent en harmonie complète avec l’esprit chrétien. Ce principe écartait tout d’abord la beauté, la beauté plastique et italienne. D’un autre côté, Overbeck n’était pas homme à recourir aux jeux de la couleur et de la lumière, que recherchent les écoles du nord, et qui, sans être positivement, comme la beauté du corps, en contradiction avec l’ascétisme, ne s’y rattachent pas du moins par des rapports nécessaires. À défaut de la beauté plastique et des effets pittoresques, il ne lui restait plus que le sublime, c’est-à-dire ce qui porte la pensée