Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/632

Cette page a été validée par deux contributeurs.

allemande a parcourues depuis le commencement du siècle. Deux grands maîtres, Overbeck et Cornélius, lui ont donné l’impulsion ; mais ces peintres ont été si souvent étudiés en France, les caractères de leur talent y sont si bien connus, qu’il nous suffira d’indiquer en quelques mots l’influence qu’ils ont exercée sur le développement postérieur de l’art. Presque tous les peintres de Munich ont été les élèves de Cornélius, tandis que l’école de Düsseldorf s’est inspirée surtout dans ses premiers essais de l’idéalisme romantique et religieux d’Overbeck. Ce n’est pas que toute la peinture se soit tenue renfermée dans ces deux foyers primitifs : l’Allemagne n’est pas un pays de centralisation, et, une fois formées, les deux écoles ont fondé de nombreuses colonies. Vienne, Dresde, Prague, Francfort, Berlin, produisirent à leur tour des artistes d’un talent remarquable. Néanmoins Munich et Düsseldorf sont restées jusqu’à présent les deux capitales du goût. À force d’étendre leur influence, elles ont même fini par agir l’une sur l’autre et par faire en quelque sorte un échange de leurs tendances ; chacune de ces deux écoles est entrée depuis quelque temps dans la voie précisément opposée à celle qu’elle avait suivie à son origine : le réalisme a pénétré à Düsseldorf au moment où l’idéalisme classique de Kaulbach commençait à tempérer à Munich les exagérations symboliques ou réalistes de l’école de Cornélius.

Kaulbach n’est guère « connu en France que par des œuvres de jeunesse, exécutées pour la plupart sous la direction de Cornélius. Parvenu à sa maturité et passé maître à son tour, il a cependant adopté une manière nouvelle, qui est une véritable réaction contre ses premières tendances. Dans l’école de Cornélius, la forme avait été sacrifiée à l’idée : le tableau n’avait plus d’autre but que d’offrir un enseignement historique ou métaphysique ; l’élément esthétique était entièrement négligé ; le dessin était devenu d’une incorrection choquante, le coloris d’une insupportable monotonie. Kaulbach comprit que le peintre devait au contraire s’adresser au goût plus encore qu’à l’intelligence ; il s’est montré plutôt artiste qu’historien ou philosophe : chez lui, la beauté a repris la première place, et s’il se hasarde quelquefois encore dans le domaine du symbole ou de l’histoire, on doit reconnaître qu’il a su conserver dans la manière tout idéaliste de traduire sa pensée la plus complète indépendance.

Quant à la tendance réaliste, qui a fini par se répandre dans l’Allemagne entière, elle n’a pas, à rigoureusement parler, de chefs reconnus. Comme c’était de toutes les formes de l’art celle qui répondait le mieux aux exigences et aux doctrines du moment, on a pu la voir se manifester en même temps chez une multitude d’artistes, Dans ce système, c’est la foule qui règne, parce que les qualités qui font régner sont à la portée de la foule. Aussi ne sera-t-il pas sans