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notifier à Lorette la restitution du territoire qui s’étendait de Pesaro jusqu’à Rome. A Foligno, il lui fit remise entière du domaine temporel. Déjà le cabinet napolitain avait, avant l’Autriche, manifesté une semblable résolution : ce n’est pas qu’il eût été pris d’aucun scrupule ; mais depuis que par son ambassadeur au conclave, le cardinal Ruffo, il avait eu connaissance des projets de l’Autriche sur les trois légations, il s’était décidé à faire par prudence ce qu’il n’avait pas voulu faire par désintéressement. Le voisinage immédiat des Autrichiens sur toute la ligne des états napolitains était trop dangereux. Il était préférable d’avoir les états du pape comme intermédiaires entre les armées impériales et les soldats de sa majesté sicilienne. Cette considération fut si bien la seule qui décida la cour des Deux-Siciles, qu’après la bataille de Marengo et l’évacuation des légations par les Autrichiens elle parut hésiter de nouveau. Ses troupes continuèrent à occuper Rome et Terracine, comme poste militaire, jusqu’à la paix de Florence, conclue plusieurs mois après le retour de sa sainteté dans sa capitale. Quant au duché de Bénévent, enclavé dans le royaume de Naples, elle ne cessa, pas d’y maintenir ses garnisons ; elle y fit, comme par le passé, acte de juridiction civile, indiquant ainsi par tous ses procédés, dit Consalvi, que les hasards de la guerre l’empêchèrent seuls de réaliser jusqu’au bout ses desseins sur le patrimoine de saint Pierre.

Avec cette réintégration du pape dans sa capitale se termine la première partie des mémoires de Consalvi, celle qui se rapporte au conclave de Venise. Les révélations du prélat secrétaire du sacré-collège sont dignes, on le voit, d’une attention particulière, et le récit que nous lui devons comble une véritable lacune. C’est à peine en effet si, dans son Histoire d’Italie de 1789 à 1815, Botta consacre quelques lignes à la nomination de Pie VII. Il semble ignorer de parti-pris, lui d’ordinaire si attentif aux événemens dont Venise est le théâtre, les scènes si curieuses qui se sont passées au conclave de 1800. Coletta n’en parle pas davantage. L’auteur de la Vie de Pie VII, M. Artaud, en disserte assez longuement, mais c’est pour les dénaturer. Grâce à l’aimable guide dont nous prenons congé pour aujourd’hui, et en nous aidant du témoignage de quelques autres personnages du temps, nous, essaierons bientôt de retracer les incidens non moins singuliers de la grande transaction religieuse dont le cardinal Consalvi fut du côté de Rome le principal négociateur ; peut-être même nous hasarderons-nous à raconter un jour, d’après des documens inédits, les suites du concordat.


O. D’HAUSSONVILLE.