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gouvernement impérial pourrait consentir. Sa majesté voulait bien ne réclamer au pape que les deux légations de Bologne et de Ferrare ; elle lui abandonnerait la troisième, c’est-à-dire les Romagnes. Tel était le dernier mot de la cour de Vienne ; pour le mieux appuyer, le marquis Ghislieri recommençait à prodiguer les menaces. Pie VII n’en prit aucun souci ; il adressa directement à l’empereur : et à son premier ministre deux lettres dans lesquelles il revendiquait énergiquement tous ses droits sur les provinces envahies. La lettre de Pie VII au souverain de l’Autriche fut-elle interceptée par le ministre impérial, M. de Thugut, comme une note de Consalvi le donne à entendre ? Cela ne nous paraît guère probable ; toujours est-il qu’aucune réponse n’arriva jamais de Vienne. Cependant le marquis Ghislieri redoublait d’importunités ; il en vint même jusqu’à irriter la patience du placide pontife. « Votre maître a tort, lui dit un jour Pie VII, de se refuser à une restitution que la religion et la justice lui commandent ; qu’il prenne garde toutefois ! En plaçant dans son vestiaire ces habits qui ne sont pas les siens, mais ceux de l’église, est-il sûr de ne pas communiquer la vermine à ses propres vêtemens, je veux dire à ses états héréditaires ? » En entendant ces paroles, l’envoyé autrichien eut peine à se contenir. « Le nouveau pontife est jeune dans le métier, dit-il tout en colère au pro-secrétaire d’état ; il prouve qu’il ne connaît guère la puissance de l’Autriche. Il faudrait de bien grands événemens pour entamer les états héréditaires. » Ces événemens étaient cependant plus proches que ne l’imaginait le marquis Ghislieri, car déjà l’on touchait aux derniers jours de mai, les troupes françaises se massaient en Suisse derrière le rideau des Alpes, et le premier consul était arrivé à Lausanne, laissant le gouvernement autrichien incertain jusqu’au dernier moment s’il allait fondre sur les états héréditaires par le lac de Constance, ou remonter la vallée du Mont-Cenis pour marcher sur Turin.

Au plus fort de ces discussions, Pie VII avait notifié au marquis Ghislieri son invariable résolution de se rendre à Rome. La route naturelle que le pape avait à prendre pour rentrer dans sa capitale, lui faisait traverser deux au moins des trois légations, en supposant qu’arrivé à Bologne, il se décidât à suivre la route de Florence au lieu du chemin à travers les Romagnes. L’embarras de la cour impériale était à son comble : elle appréhendait avec raison les effets d’un semblable voyage. Ces contrées aimaient mieux encore se replacer sous la domination pontificale que subir le joug toujours pesant des soldats croates et hongrois. Nul doute que les populations. ne se précipitassent partout sur le passage du saint-père afin de le saluer de leurs acclamations. La décence et les égards dus au chef