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Cézène comme Pie VI. — Comment nommer l’un après l’autre deux Cézenates ? Bien plus, il avait été la créature la plus aimée de Pie VI. On croyait même, quoiqu’à tort, qu’il était son parent, et cette circonstance suffisait à faire craindre qu’on ne vît en le nommant se continuer le règne des Braschi. Enfin il n’avait que cinquante-huit ans, comme le pontife défunt quand il avait été élu. « On doit bien penser, dit Consalvi, qu’un règne qui avait duré près de vingt-cinq années détournait absolument de l’idée de nommer un successeur qui pouvait vivre aussi longtemps. On était habitué à voir les princes occupant le siège de Saint-Pierre changer presque tous les sept ou huit ans, et les visées de chacun empêchent d’ordinaire qu’on s’expose à la durée d’un trop long règne. Ces impossibilités extrinsèques (comme les appelle Consalvi) étaient si nombreuses et d’un tel poids qu’on peut avouer avec certitude qu’en toutes circonstances, et spécialement si le conclave se fût tenu à Rome en temps calme et ordinaire, elles auraient éloigné Chiaramonti du pontificat. »

Toutes ces objections furent présentées à Maury par son interlocuteur, charmé d’ailleurs de l’exposition d’un plan aussi heureux. Elles n’arrêtèrent en aucune façon le cardinal français. Qui pourrait indiquer sûrement aujourd’hui la raison déterminante de la conduite de Maury ? Peut-être l’ancien chef de la droite à l’assemblée nationale, destiné à être placé un jour par Napoléon à la tête du diocèse de Paris, était-il guidé dans ses préférences par des motifs dont il ne lui convenait pas d’entretenir à cœur ouvert le prélat secrétaire du sacré-collège. Toujours est-il qu’à ses yeux perspicaces le cardinal Chiaramonti ne devait pas tout à fait apparaître comme un personnage aussi effacé en politique que Consalvi se plaît à nous le dépeindre en ses mémoires. Un incident de sa carrière épiscopale avait naguère attiré sur lui l’attention du public italien. Le souvenir en était encore présent à chacun, et quoiqu’à dessein ou par oubli le prélat secrétaire du conclave ne nous en touche pas un mot, nous avons grand’peine à imaginer qu’il n’ait pas agi quelque peu sur la détermination du cardinal Maury. Lors de l’invasion des légations par les armées françaises, au mois de février 1797, Chiaramonti n’avait point quitté son diocèse, comme avait fait le cardinal Ranuzzi. Sa conduite avait été remarquée par le général Bonaparte, très mécontent de la fuite de l’évêque d’Ancône. « Celui d’Imola, qui est aussi cardinal, ne s’est pas enfui, dit-il aux gens du pays qui lui remettaient les clés d’Ancône ; je ne l’ai pas vu en passant, mais il est à son poste. » Cette louange accordée par le vainqueur au cardinal Chiaramonti avait produit une assez vive impression sur l’esprit des habitans de ces contrées. L’émotion fut plus grande encore lorsqu’à la fin de cette même