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révolution française, les membres de la droite s’étaient plu dans l’assemblée constituante à l’opposer à Mirabeau ; puis le silence, un grand silence, difficile peut-être à supporter, s’était de nouveau fait autour de lui : nous voulons parler du cardinal Maury.

Maury, depuis sa sortie de France, avait parcouru à peu près toute l’Europe. Il avait été accueilli avec acclamations au camp des émigrés et reçu avec beaucoup d’égards dans la plupart des cours d’Allemagne. Son entrée à Rome avait été un véritable triomphe. Pie VI l’avait admis dans son intimité et promu à la nonciature de Francfort. Peu de temps après, il le créait titulaire des évêchés réunis de Corneto et de Montefiascone. Son élévation au cardinalat avait couronné tant de faveurs. A la suite d’un voyage qu’il avait poussé jusqu’à Mittau et Saint-Pétersbourg, il avait été nommé par Louis XVIII son ambassadeur près le saint-siège. Ce dernier titre le désignait particulièrement à la malveillance de la république française. Aussi, dès que les troupes de Berthier menacèrent Rome, Maury eut-il grand soin de se réfugier, d’abord à Sienne, puis à Florence. Lorsqu’il vint à Venise prendre place parmi les membres du sacré-collège, tout le monde se disait qu’un prince de l’église si répandu, si capable, si plein d’activité, ne pouvait manquer d’avoir grande part à l’élection du futur pontife. Pour mener à bien une entreprise devenue plus difficile que jamais, Maury avait de grands avantages sur la plupart de ses collègues. Étranger par sa nationalité aux divisions intestines des cardinaux italiens, il avait en toutes choses un esprit libre de préjugés et naturellement dégagé des considérations mesquines. Un ensemble de circonstances fortuites plutôt que son inclination propre l’avait jeté dans le camp de Mattei. Il n’y avait apporté ni ardeur ni animosité. En sa qualité d’ancien membre d’une assemblée délibérante, il savait mieux que personne comment s’y prendre pour traiter avec les passions des partis, et par quels biais il est possible de les conduire à se concerter pour une œuvre commune. Sa bonne fortune voulut qu’il rencontrât précisément dans le prélat secrétaire du conclave un second non moins sagace que lui, capable de l’entendre à demi-mot et disposé à le seconder de son mieux. Tout en se promenant avec Consalvi sous les portiques du monastère de Sairit-George, après s’être lamenté comme chacun faisait alors sur la longueur du conclave et les embarras de l’élection, le cardinal Maury s’ouvrit à lui de tout son plan : il était fort simple. Maury était convaincu de l’impossibilité du succès pour aucun des concurrens. Les froissemens produits par une lutte si prolongée ne permettaient pas d’espérer qu’une des factions maintenant en présence cédât jamais à l’autre. Il fallait cependant de toute nécessité que le pape sortît de l’un des deux camps, car, parmi les cardinaux appelés les volans