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apprenait des nouvelles de Paris autorisait les espérances. Le court message par lequel, en présentant la nouvelle constitution, le premier consul avait déclaré la révolution finie, la publicité donnée aux lettres qu’il avait adressées au roi d’Angleterre et à l’empereur d’Allemagne pour les convier à faire la paix, le ton de ses proclamations au peuple français, tout semblait annoncer qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir[1]. Elle s’ouvrait en effet sous des auspices propres à encourager l’attente des membres du sacré-collège. Non-seulement une direction plus humaine était donnée à la guerre civile dans les départemens de l’ouest, mais des lois injustes, qui avaient, dans ces malheureuses contrées, violé la sécurité des citoyens et la liberté des cultes, étaient rapportées. L’usage des églises était rendu aux catholiques. Ils pouvaient y assister, le dimanche, au service religieux. Les prêtres étaient désormais dispensés de prêter un autre serment que celui de fidélité à la constitution. Le général qui commandait en Vendée recevait l’ordre tout nouveau de se concilier les curés. Les ecclésiastiques détenus en grand nombre à l’île de Ré avaient été rendus sans conditions à la liberté[2]. C’étaient là des mesures qui ne pouvaient manquer d’être bien venues des grands dignitaires de l’église catholique. Les plus politiques comprenaient que, si la guerre devait être reprise, l’Autriche allait derechef en porter tout le poids. Aucun d’eux ne soupçonnait de quel côté les premiers coups seraient frappés, nul ne s’attendait aux prodiges qui devaient signaler l’ouverture de la prochaine campagne ; mais tous prévoyaient que les armées françaises, de nouveau conduites par le brillant capitaine tant de fois vainqueur des armées impériales, ne pouvaient manquer de remettre en question la prépondérance de l’Autriche en Italie. Un homme principalement entre tous les cardinaux réunis dans la petite église de Saint-George avait les yeux ouverts sur la condition présente de la France et sur l’avenir de l’Europe. Son nom avait été naguère dans toutes les bouches ; souvent, au début de la

  1. Présentation de la constitution (15 décembre 1799), — lettre au roi d’Angleterre (25 décembre), — lettre a l’empereur d’Allemagne (25 décembre), — proclamation au peuple français (25 décembre). — Correspondance de Napoléon Ier, t. VI.
  2. Arrêtés du 28 décembre 1799, — proclamation aux habitans des départemens de l’ouest (28 décembre 1799), — lettre au général Berthier, ministre de la guerre (29 décembre 1799), — lettre au général Hédouville, commandant en chef de l’armée d’Angleterre (29 décembre 1799), — arrêté pour rendre la liberté aux prêtres des départemens du Doubs, de la Haute-Saône et du Jura détenus à l’île de Ré (30 décembre 1799). — Ibidem.