Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre théâtre. Malgré le silence gardé par Consalvi, ces événemens n’ont pas manqué d’agir, plus qu’il ne lui plaît peut-être d’en convenir, sur les déterminations ultérieures du sacré-collège.


II

Le 8 octobre 1799, six semaines environ après la mort de Pie VI, Bonaparte, échappé aux croisières anglaises, était rentré en France. Tous les regards, non pas seulement de ses concitoyens, mais de l’Europe entière, de l’Italie surtout, s’étaient aussitôt portés vers le vainqueur de Lodi et le négociateur de la paix de Campo-Formio. La journée du 18 brumaire (9 novembre) avait presque coïncidé avec l’ouverture du conclave. A Venise comme partout, et dans le sein du conclave autant qu’ailleurs, malgré la clôture, on avait commenté avec le plus vif intérêt les premiers actes de celui que les Italiens appelaient il gran console. Plusieurs des membres du sacré-collège l’avaient connu ; ils pouvaient témoigner à leurs collègues combien, dans les matières qui regardaient la religion, et surtout dans sa façon de traiter les gens d’église, l’homme maintenant placé à la tête du gouvernement français avait toujours affecté des allures différentes de celles de ses compagnons d’armes, les généraux révolutionnaires de l’ancienne armée d’Italie[1]. Ce qu’on

  1. Il ne faudrait pas juger tout à fait de la conduite et de l’altitude du général Bonaparte en Italie vis-à-vis de la religion catholique et de ses prêtres par le ton de sa correspondance avec le directoire. Il parlait à Barras et à ses collègues le langage qu’il savait leur convenir. Sur place, il se comportait un peu différemment. Tandis que dans ses dépêches expédiées à Paris il affectait de considérer l’établissement pontifical comme une vieille machine détraquée et tombée dans le mépris des populations, il témoignait dans ses proclamations de grands ménagemens pour les sentimens religieux des habitans de ces contrées. « L’armée française, fidèle aux maximes qu’elle professe, s’écrie-t-il en entrant dans les légations, protégera toujours la religion et le peuple. » Les actes répondaient aux paroles. A Macerata, il rétablissait les cérémonies du culte catholique. Sans se beaucoup soucier de ce qu’en penseraient les clubs révolutionnaires de Paris, il donnait les ordres les plus formels pour qu’on cessât de molester les prêtres français réfractaires qui se trouvaient dans les états du pape. Il s’en servait même pour se concilier l’esprit des populations. Pendant les conférences de Campo-Formio et de son quartier-général de Milan, tandis qu’il demandait des instructions à Paris sur ce qu’il devrait faire si le pape venait à mourir, au moment même où il roulait dans sa tête plus d’un projet qui avait pour point de départ la ruine définitive de ce qui restait du domaine temporel du pape, le général en chef des armées françaises faisait en même temps parvenir à Rome des protestations de dévouement au saint-père. Dans ses conversations avec les gens d’église, il disait que des temps pourraient arriver où la république française deviendrait la meilleure amie du souverain pontife. Dans une note qu’il écrivait pour être remise par son frère Joseph, envoyé de la république, au secrétaire d’état de sa sainteté, il parlait du pape comme du a chef des fidèles » et du « centre commun de la foi. » Il témoignait de son admiration pour la théologie simple et pure de l’Évangile, pour la sagesse de sa politique. On voit poindre dans ces premières communications avec Rome, communications secrètes, et probablement ignorées du directoire, comme un avant-goût des dispositions qui ont plus tard amené le concordat. — Voyez la Correspondance de Napoléon Ier, 1er février 1797, — 15 février 1797, — septembre 1797.