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de Bellisomi. Dans ce cas, l’usage, la considération de la paix de l’église, les égards dus à l’empereur feraient songer à quelque autre élection ; mais, s’il n’y avait pas d’exclusion formelle, Bellisomi ne pouvait manquer d’être pape le lendemain, car déjà un nombre plus que suffisant de cardinaux étaient décidés à lui donner leurs voix. Ainsi acculé au pied du mur et obligé de convenir qu’il n’avait pas l’exclusive de sa cour contre Bellisomi, Herzan chercha à gagner du temps. « En sa qualité de cardinal profondément attaché au saint-siège, il croyait, dit-il, devoir au moins conseiller, supplier même, s’il le fallait, ses collègues de différer l’élection pendant onze ou douze jours. » Il n’en fallait pas davantage au courrier qu’il allait expédier pour aller et revenir de Vienne. Pareille déférence était bien due au souverain dans les états duquel siégeait le conclave, qui en fournissait le local et en payait tous les frais. Peut-être cette démarche suffirait-elle pour calmer le déplaisir qu’aurait sa majesté d’apprendre la répugnance du sacré-collège à se conformer à sa volonté. En somme, les cardinaux ne sacrifiaient rien ou très peu de chose par un si bref délai. Il en résulterait au contraire, un notable bénéfice par suite de la bienveillance qu’en retour de ce bon procédé sa majesté témoignerait au nouveau pontife et aux intérêts du saint-siège. Albani hésitait. Il était à craindre, disait-il, que pendant ces jours d’attente, soit naturellement, soit par intrigue, un parti ne se formât dans le conclave qui tendrait à faire avorter une élection si admirablement préparée. Herzan lui répondit en s’engageant verbalement à ne point former une pareille opposition. Si d’autres complotaient, il ne les imiterait point. Les cardinaux considérés comme les plus attachés à sa cour suivraient son exemple. Il alla même jusqu’à dire qu’au besoin ils joindraient tous leurs votes aux dix-huit voix de Bellisomi. Sur cette assurance formelle, le délai fut accordé, et le courrier partit pour Vienne. Est-il besoin d’ajouter que du même coup l’élection de Bellisomi était à tout jamais compromise ?

Tout le monde dans le sacré-collège savait là-dessus à quoi s’en tenir, et le prélat secrétaire du conclave était plus indigné que personne. « Jamais, dit-il, on n’avait vu permettre à un ambassadeur d’expédier un courrier pour interroger le bon plaisir de son gouvernement, le prévenir et lui laisser le temps et les moyens de faire savoir au candidat proposé qu’il lui devait le pontificat. » — « Les cardinaux, continue Consalvi, remarquèrent aussi que, de toutes les cours, la cour impériale était celle avec laquelle on aurait dû se garder le plus de tenir une telle conduite. Plus tard » dans la suite des temps, quand le souvenir des circonstances particulières qui avaient motivé cette complaisance impolitique serait