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des mémoires de Consalvi ont nui peut-être au succès du livre presque à l’égal des maladresses de l’éditeur.

Ah ! si le cardinal Consalvi, nous rendant compte avec un lyrisme enthousiaste des pieuses délibérations du conclave, nous avait uniquement montré les cardinaux enfermés dans le monastère de Saint-George miraculeusement conduits à choisir du premier coup le chef prédestiné de l’église, il aurait trouvé des plumes toutes taillées pour célébrer avec lui l’inspiration visible du tout-puissant protecteur de la papauté. Par malheur, au contraire, il résulte des mémoires de Consalvi que, si les membres du sacré-collège ont fini par préférer le plus digne, celui-là même que le vrai Christ de l’Évangile aurait désigné entre tous, ils n’en ont pas moins été en proie, pendant trois mois entiers, à toute sorte de troubles, de perplexités, de passions. Et l’habileté du pieux narrateur consiste surtout à nous bien faire saisir comment les respectables auteurs de cette heureuse élection y furent en fin de compte amenés, laissant de côté les mots trop mal sonnans, par des ambages et des biais dont l’habileté n’avait à coup sûr rien que de parfaitement terrestre : qu’à cela ne tienne ! Dans un autre camp, n’est-on point tout disposé à relever les faiblesses des princes de l’église ? D’accord ; mais voyez l’embarras ! Du récit de Consalvi, il ressort aussi que ces cardinaux, la plupart vieux et infirmes, tous ruinés, accueillis à Venise en fugitifs et placés sous la main de l’Autriche victorieuse, n’en ont pas moins résisté à toutes ses sollicitations et à toutes ses menaces. Rendre justice à des adversaires, même dans le passé, quelle duperie ! Aussi s’en gardera-t-on bien.

Pareils motifs de se taire en ce qui regarde le concordat. Supposez le négociateur du concordat principalement appliqué, dans le récit qu’il nous en fait, à se ménager à lui-même et à sa cour un rôle toujours prépondérant, imperturbable et magnifique ! Doutez-vous que nombre de voix se fussent élevées pour ce triomphe sublime de la sagesse chrétienne sur l’esprit troublé du siècle ? Que si au contraire le premier consul aux prises avec le représentant de l’église romaine apparaissait dans la nouvelle relation constamment maître de lui-même, équitable, modéré, ennemi des violens éclats aussi bien que des misérables supercheries, n’est-il pas également à parier que d’autres se seraient rencontrés pour proposer à l’admiration universelle ce type idéal de sage accompli et de héros parfait dont, malgré les données de l’histoire, et quoiqu’il s’y prêtât si mal, on est convenu d’affubler le glorieux chef de la dynastie impériale ? Les mémoires du cardinal Consalvi n’autorisent aucune de ces transformations de fantaisie si chères aux partis, et c’est là, nous le répétons, ce qui leur a peut-être causé quelque tort. Non-seulement