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À ces duos se mêlent des danses au son du tambourin, d’une petite flûte et d’une clarinette primitives que danseurs et danseuses accompagnent de leurs claquemens de mains. Les chansons d’hommes sont toujours des chants d’amour en couplets détachés :


« Oiseau qui as des ailes, perche-toi sur le figuier ; quand Fatima sortira, baise son joli petit cou.

« Toi chez qui tout est mignon, tu m’as dépouillé par ta gentillesse ; ma bourse est vide, et tu me dis toujours : Donne !

« O taille de roseau, tu t’es brisée toi-même ; un vieux grisonnant repose sur ton bras.

« Taille ce cep de vigne, pour toi, j’ai quitté ma mère ; je te trouvai à la fontaine, tu me donnas à boire, et je t’embrassai tout à loisir.

« Je passais dans le chemin ; ma calotte est tombée ; ma raison est partie ; elle voyage avec ma bien-aimée.

« Seigneur Dieu qui fais mûrir les fruits, donne-moi Tasadith aux vêtemens précieux.

« Seigneur Dieu qui as créé les grenades, donne-moi Fatima aux cils noircis.

« Seigneur Dieu qui as créé les pommes, fais que Famina me dise : Viens !… »

Et les couplets se multiplient, énumérant tous les fruits du bon Dieu, pour conclure par une pensée philosophique éternellement vraie :

« Seigneur Dieu qui as fait les parts inégales, tu as donné aux uns ! les autres sont jaloux ! »

Quand les femmes chantent seules dans leurs maisons ou à la fontaine, ce sont d’ordinaire de curieuses complaintes contre les maris :

« O ma tendre mère, j’ai épousé un hibou ; il a la figure d’un coq sur un perchoir. Seigneur, Seigneur ! fais-moi vite porter son deuil…

« Hélas ! ma tendre mère, j’ai épousé un fumeur ; quand il rentre au logis, il ne rapporte que pipe et tabac avec l’odeur d’un raton…

« Hélas, hélas ! j’ai épousé Raba ; le jour, il ne me regarde point, la nuit il éteint la lampe. Cette année je me sacrifie, l’an prochain je m’enfuirai. »

En fait de chansons où hommes et femmes se répondent, nous n’en connaissons pas qui respire tour à tour plus de vaillance et de mélancolie que les deux couplets suivans :

LES JEUNES FILLES. — « Qui veut être aimé des femmes, qu’il marche avec les balles, qu’il donne sa joue à la crosse de son fusil, et il pourra crier alors : A moi, jeunes filles ! »

LES JEUNES GENS. — « Vous faites bien de nous aimer, jeunes filles ; Dieu