qui entre pour une si grande part dans les liaisons, affaiblit celle-là. Au lieu de se fortifier, elle s’usa en durant. Les premières lettres sont d’une passion incroyable. Il y avait pourtant plus de quinze ans que Cicéron était marié ; mais il était alors bien malheureux, et il semble que le malheur rende les gens plus tendres, et que les familles éprouvent le besoin de se rapprocher davantage quand de grands coups les frappent. Cicéron venait d’être condamné à l’exil. Il s’éloignait bien tristement de Rome, où il savait qu’on brûlait sa maison, qu’on poursuivait ses amis, qu’on outrageait sa famille. Térentia s’était très énergiquement conduite ; elle avait souffert pour son mari, et souffert avec courage. En apprenant la façon dont on l’avait traitée, Cicéron lui écrivait avec désespoir : « Que je suis malheureux ! Et faut-il qu’une femme si vertueuse, si honnête, si douce, si dévouée, soit ainsi tourmentée à cause de moi ! » « Persuadez-vous, lui disait-il ailleurs, que je n’ai jamais rien de plus cher que vous. En ce moment, je crois vous voir, et je ne puis retenir mes pleurs ! » Il ajoutait avec plus d’effusion encore : « O ma vie, je voudrais vous revoir et mourir dans vos bras ! » La correspondance s’arrête ensuite pendant six ans. Elle reprend à l’époque où Cicéron quitta Rome pour aller gouverner la Cilicie, mais le ton en est fort changé. Dans la seule lettre qui nous reste de ce moment, les tendresses sont remplacées par les affaires. Il y est fort question d’un héritage qui était survenu très à propos pour la fortune de Cicéron, et des moyens d’en tirer le meilleur parti possible. À la vérité il appelle encore Térentia sa femme très chérie et très souhaitée, suavissima atque optatissima, mais ces mots n’ont plus l’air que de formules de politesse. Cependant il témoigne un grand désir de la revoir, et il lui demande de venir l’attendre le plus loin qu’elle le pourra. Elle alla jusqu’à Brindes, et, par un hasard favorable, elle entrait dans la ville au moment même où son mari arrivait au port ; ils se réunirent et s’embrassèrent sur le forum. C’était un moment heureux pour Cicéron. Il revenait avec le titre d’imperator et l’espoir du triomphe ; il retrouvait sa famille unie et joyeuse. Malheureusement la guerre civile était près d’éclater. Les partis avaient achevé de rompre pendant son absence ; ils allaient en venir aux mains, et le lendemain de son arrivée Cicéron était contraint de faire un choix entre eux et de se déclarer.
Cette guerre ne nuisit pas seulement à sa situation politique, elle fut fatale à son bonheur privé. Quand la correspondance reprend, après Pharsale, elle devient d’une extrême sécheresse. Cicéron retourne en Italie et débarque encore à Brindes, non plus triomphant et heureux, mais vaincu et désespéré. Cette fois il ne souhaite plus de revoir sa femme, quoiqu’il n’ait jamais eu plus besoin d’être