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naire. M. de Mensdorf a répondu à M. de Bismark que les propositions prussiennes ne sont point regardées par l’Autriche comme satisfaisante. Cette réponse fournira l’occasion là M. de Bismark de prendre son temps et de répliquer à l’Autriche en exécutant une variation nouvelle sur son thème favori. Cette diplomatie alternée, ne trouble point d’ailleurs le repos de la bonne Allemagne. La chambre prussienne ne se réconcilie point avec la politique militaire du roi. Le ministère autrichien se querelle avec la commission du budget du Reichsrath, et ne peut se mettre d’accord avec elle sur le chiffre des réductions des dépenses militaires. Il est édifiant de voir que, dans tous les pays monarchiques où l’on s’essaie à la liberté, les chambres représentatives se montrent fidèles à leur vocation naturelle, et luttent contre le pouvoir pour obtenir la réduction des dépenses de l’armée. En Angleterre même, le ménage parlement est conduit cette année aussi pacifiquement et non moins silencieusement que dans un état germanique. Aucune question politique n’agite la chambre des communes, aucune passe d’armes ne s’engage entre les chefs des parties. M. Disraeli et M. Gladstone ont laissé tomber sans prendre la parole le débat sur la taxe de la drèche, soulevé dans l’intérêt des classes agricoles par des membres du parti conservateur. Les tories se sont mis ainsi en règle vis-à-vis de leur clientèle électorale, mais leurs chefs se sont bien gardés de prendre aucun engagement compromettant à propos d’un impôt qu’on ne pourrait atténuer sérieusement sans porter dans le budget une désorganisation intempestives. On n’apporte pas plus d’ardeur au débat des questions religieuses qu’à la discussion des questions politiques. Un représentant opiniâtre des intérêts protestans, M. Newdegate, a essayé d’échauffer les vieux sentimens anti-catholiques en dénonçant des pratiques fâcheuses commises, suivant lui, dans les communautés religieuses. Il voulait que l’état soumit les couvens à une inspection spéciale. Il en a été pour sa peine. La chambre des communes ne s’est pas laissé troublé par des fantômes de capucins, d’oratoriens ou de bénédictines. Nous avons été plus émus en France en apprenant de la bouche de M. Rouland que les jésuites ont fermé la porte de leur maison au nez du vicaire-général de l’archevêque de Paris. La motion de M. Newdegate a été repoussée à une grande majorité.

On dirait que les Anglais cessent en ce moment d’être acteurs dans la politique du monde, et qu’ils se concentrent et se recueillent dans le rôle de spectateurs. Ils n’ont d’yeux que pour ce qui se passé aux États-Unis. Ils attendent avec une anxiété visible la fin de cette grande lutte civile dont en général ils ont si mal jugé la nature et les tendances. L’opinion anglaise a commis depuis quatre ans de grandes erreurs et de grandes injustices dans les jugemens qu’elle a portés sur l’Union américaine refusant de reconnaître à des états mécontens le droit de dissoudre, en s’en retirant capricieusement, la grande république, ou plutôt, car les idées de sépara-