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ses conditions vraies n’existe plus, et nul ne saurait imaginer comment ces conditions pourraient se rétablir.

Mais aucun esprit véritablement critique, quelle que soit sa croyance ou son incroyance, pour peu qu’il échappe aux préjugés d’école et aux acrimonies du moment, et qu’il ait appris de l’histoire à suivre dans la société et dans l’homme les racines et les attaches des idées religieuses, ne croira que cette destruction d’une forme temporaire devenue plus nuisible qu’utile puisse atteindre la vitalité d’une institution aussi vaste et aussi profonde que le catholicisme. Rien d’essentiel ne meurt ici, qu’on en soit bien sûr : c’est seulement la vie qui veut prendre un autre cours. Ce qui meurt, c’est un organisme épuisé, déjà raidi et froid, qui ne marche plus ; la vie cherche à quitter cette forme éteinte pour entrer dans une autre qui la remplace. Voilà le vrai sens de l’événement que nous avons sous les yeux. Le règne même de Pie IX en est la preuve, et il suffira de jeter, en finissant, un rapide regard sur les actes de ce règne pour reconnaître qu’il porte le caractère d’une transition, pénible, il est vrai, involontaire et combattue, mais certaine et forcée, entre l’ancien régime et le nouveau, entre la tradition d’intolérance et l’avènement de la liberté.

Nous pouvons en effet ranger ces actes en deux séries parallèles. Les uns, opérés à la faveur de la réaction qui suivit, dans certains états catholiques, les renversemens de 1848, procèdent du principe d’intolérance : ce sont les concordats conclus dans les quinze dernières années. Les autres, appliqués à des pays protestans, n’ont pu l’être qu’à la faveur du principe de liberté religieuse qu’on y professe : ce sont les évêchés fondés et les institutions introduites dans ces pays.

Les concordats conclus alors avec la Toscane, l’Espagne, l’Autriche, et quelques autres états de l’Europe et de l’Amérique, tendaient tous à supprimer la liberté des cultes et à mettre la foi sous la protection de la loi civile. Comme moyens pratiques, et sauf des réserves variables selon les lieux et nécessitées par les circonstances, ratione temporum, ils accordent au clergé la surveillance de la librairie, la censure des livres, la faculté indéfinie d’acquérir en main-morte. Le concordat espagnol interdit l’exercice public de tout culte dissident ; mais celui qui surtout émut l’Europe, ce fut le concordat autrichien de 1855. C’est là qu’on vit, comme un signe de reflux violent vers le moyen âge, renaître des coutumes que toutes les monarchies catholiques avaient depuis longtemps combattues et détruites, telles que les tribunaux ecclésiastiques chargés de juger en matière civile, sauf certains cas, les causes où des clercs étaient impliqués, une pénalité et des prisons à part pour