Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il répondit à ce qu’on n’avait pas prévu. La victoire de Marengo ayant bientôt après chassé l’Autriche de l’Italie, la question secondaire du domaine temporel qui avait ébloui les cardinaux s’éclipsa devant la question capitale de la restauration religieuse qui se levait du côté de la France. Pie VII et le premier consul coïncidaient merveilleusement en leur commun dessein : le premier par un esprit conciliant, qui, soutenu d’un courage passif, le faisait plier jusqu’à l’extrême limite des concessions permises sans la dépasser, le second par la fougue préméditée, les adroites colères et l’impatience menaçante qu’il savait montrer à propos pour couper court aux temporisations ordinaires de la cour de Rome. De là cet acte si décisif pour l’époque, si audacieux devant la révolution, si extraordinaire dans l’église, le concordat. Le prélat Consalvi fut fait cardinal pour aller le négocier à Paris ; ensuite, fortifié par un si grand succès, il revint essayer à Rome de diriger comme premier ministre et d’affermir comme réformateur l’état ressuscité. C’est dans cette tentative de réforme que nous allons maintenant le suivre.


III

Consalvi avait le mérite, assez rare parmi les adversaires de la révolution, de ne pas la maudire aveuglément, et de savoir discerner à travers la violence des procédés le bien qu’elle apportait ou qu’elle rendait possible. « La révolution, dit-il, avait tout bouleversé ; mais il était facile de tirer le bien de ce mal. » Parmi les anciennes institutions, il reconnaissait que quelques-unes ne répondaient plus à leur origine ; « on en avait altéré, changé ou corrompu quelques autres, et il s’en trouvait qui ne convenaient plus aux temps, aux idées nouvelles, aux nouveaux usages. » Il résolut donc, avec l’approbation du pape, d’entrer hardiment dans une carrière dont il n’ignorait ni les aspérités ni les obstacles. Pour rattacher à ses projets des hommes bien intentionnés dont l’appui pût le soutenir contre une opposition déjà toute prête, il chargea une congrégation de cardinaux d’élaborer un plan, fort limité d’ailleurs, et de proposer des institutions « adaptées, dit-il, aux conditions modernes, » et dégagées des vices et des abus qui s’étaient glissés dans les anciennes ; mais cet appui même devint l’écueil. Son projet, amendé, amoindri, faussé, fut réduit à une réforme illusoire, et les intrigues de l’opposition furent telles que « le pape même, dit-il, n’eût pu lui tenir tête. » Si peu qu’on eût obtenu, l’irritation des intéressés fut inexorable, et quand la bulle Post diuturnas, qui restreignait quelques juridictions et diminuait des appointemens, fut publiée, les prélats, même ceux qui étaient nouvellement promus,